• Polisse, de Maïwenn (France, 2011)

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Où ?

Au ciné-cité les Halles

Quand ?

Dimanche, à midi

Avec qui ?

MonFrère

Et alors ?

La certitude à la fin du visionnage de Polisse est que Maïwenn est quelqu’un d’extrêmement ambitieux. Difficilement critiquable en soi, ce trait de caractère pose problème lorsqu’il débouche sur un manque de maîtrise et de choix parmi les manières de parvenir à ses fins. Polisse est un cas d’école d’une telle voracité non contrôlée. C’est un film qui m’a déplu, agacé parfois, mais en y réfléchissant après coup la cause du mal me semble être plus une affaire de méthode qu’un gros problème de fond. L’erreur de Maïwenn est d’avoir cru vouloir faire un long-métrage alors que ce qu’elle avait dans les mains était une série TV en bonne et due forme. Avec sa demi-douzaine de rôles principaux, autant de personnages d’appoint, et un alliage qui a fait ses preuves entre vie professionnelle pour la trame de chaque épisode (les affaires traitées par les policiers de la brigade des mœurs affectés dans le quartier de Belleville à Paris) et vie intime des héros pour garantir une intrigue filée sur toute une saison.

Même dans ses déficiences et ses arbitrages sujets à caution, Polisse a plus à voir avec une série qu’avec un film. Au rang des lacunes, citons la mise en scène tout à fait transparente – même dans des scènes caractéristiques du genre polar et qui permettent d’ordinaire au réalisateur d’affirmer son style, sa patte (une virée en boîte de nuit, une tentative de coup de filet dans un centre commercial), Maïwenn n’exprime aucun intérêt pour le découpage ou l’éclairage de l’action. Le prétexte de la captation brute, documentaire a bon dos pour s’éviter d’avoir à trouver des idées de cinéma. Maïwenn a clairement fait le choix de privilégier ceux qui sont filmés, les acteurs, sur la manière de les filmer, de même qu’elle se montre plus attirée par les histoires de cœur que par les histoires de mœurs. Pourquoi pas, sur le papier. Mais à l’écran, en seulement deux heures – introduction de tous les personnages et conclusion des destins de tous ceux qui comptent comprises – et ayant refusé d’abandonner des choses au montage, ça coince. Polisse prend la forme d’un zapping incessant entre des bribes de récits soit bâclés, soit stoppés en plein essor.

Les enquêtes de police appartiennent souvent à la deuxième catégorie, Maïwenn détournant le regard au bout de deux, trois scènes maximum quelle que soit l’ampleur et la complexité des éléments restant en suspens. Quand l’affaire se règle dans ce temps imparti, c’est car elle concerne une situation réductible à une blague facile ou une indignation confortable ; dans un cas comme dans l’autre, l’intérêt est quasi nul. Il arrive aussi que la cinéaste tente de forcer une conclusion en trois scènes d’un épisode narratif qui demandait bien plus – là Polisse touche vraiment le fond, par exemple quand il montre des enfants Roms tout juste arrachés à leurs familles et leur lieu de vie dansant et rigolant dans le bus de la police. Mais il faut reconnaître au film sa capacité à toujours rebondir immédiatement, sauf évidemment quand il trébuche une dernière fois au moment de conclure, sur un édifiant et sursignifiant montage alterné entre le plan d’un enfant violé mais sauvé qui retombe sur ses pieds sur un tapis de gym, et une flic consciencieuse mais malheureuse qui s’écrase la tête la première sur le bitume.

Les récits intimes ne sont pas plus marquants que leurs homologues professionnels, Maïwenn se contentant de couvrir de manière exhaustive la gamme des variations habituelles du drame parisien en chambre sur les thèmes du couple et des enfants. Là encore, le problème n’est pas tant le cliché en soi que le fait de le traiter à la va-vite, ce qui l’enlise dans sa condition de stéréotype rebattu. Trop impatiente pour donner le temps à l’émotion et à la vie de s’installer dans son film, Maïwenn les y inocule de force, usant de la seule manière que semble connaître le cinéma français de seconde zone : l’hystérie généralisée et la performance. Tout le monde hurle sans cesse dans Polisse, pour s’affirmer, se défendre, se sentir exister (et, du point du scénariste, faire passer le plus rapidement possible auprès du public le message de la scène). Le niveau sonore est plus élevé, donc plus épuisant, mais le film n’y trouve pas de réelle valeur ajoutée. Les comédiens non plus, qui dans ces conditions impressionnent, forcément, mais qui ont tous dans leur CV plusieurs rôles autrement plus intenses, plus subtils, plus construits que ces vignettes unidimensionnelles.

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