• Passion, de Brian De Palma (Allemagne-France, 2012)

Je like cet article sur les réseaux sociaux de l'internet!

Où ?

À l’UGC Odéon, dans la grande salle

Quand ?

Mercredi, à 19h30

Avec qui ?

MaBinôme

Et alors ?

Plus le temps passait, et plus l’espoir d’entendre de nouveau parler de Brian De Palma s’amenuisait. Le violent rejet subi aux USA par l’exceptionnel Redacted, qui posait de trop bonnes questions dérangeantes à propos de la guerre en Irak, semblait avoir stoppé net sa carrière. Mais, même à 72 ans, la retraite attendra encore un peu pour le cinéaste, qui a trouvé refuge en Europe auprès du producteur Saïd Ben Saïd. Ce dernier lui a fait une proposition baroque, de réaliser le remake d’un film qu’il avait déjà produit, il y a à peine trois ans de cela : Crime d’amour, le dernier long-métrage d’Alain Corneau avant sa mort. De Palma a dit oui, partant tourner à Berlin coproduction oblige, et remplaçant Kristin Scott-Thomas et Ludivine Sagnier par Rachel McAdams et Noomi Rapace. On n’y perd assurément pas au change, en ce qui concerne le jeu des comédiennes (McAdams fait très bien ce qu’elle sait faire, la peste ; Rapace fait tout très bien, offrant un récital épatant) et la relation entre les personnages. En effaçant la différence d’âge entre elles, De Palma rend plus trouble encore leur jeu de rivalité professionnelle et de séduction intime – le changement de sexe d’un second rôle, homme chez Corneau, femme dans Passion pour en ajouter une troisième dans la ronde, va dans le même sens. (Évidemment, cette troisième femme est une rousse, en plus de la blonde et de la brune).

Les modifications apportées par De Palma ne s’arrêtent pas là. Officiellement fils de Crime d’amour, Passion est un bâtard ; son parent biologique est une autre œuvre de De Palma, Pulsions[1]. La même structuration si particulière du récit, joueur et manipulateur, se répète fidèlement de l’un à l’autre, tout comme les figures de style devenues marques de fabrique du cinéaste – split-screens, plans-séquences, double focale. Sur le papier, Passion serait donc à Pulsions ce que Redacted était à Outrages (Casualties of war en v.o.), une réactualisation pour le 21è siècle et ses nouvelles technologies de captation et de transmission des images. Mais l’analogie s’évapore quand il devient clair que les deux films sont engagés dans des voies opposées. Redacted ajoute de la matière à Outrages, Passion en retire de Pulsions. Le vertige inouï provoqué par ce dernier laisse la place à une copie rendue exsangue par une carence nette en folie, en outrance dans tous les domaines. Les protagonistes sont univoques, tous méchants de la même manière. Le vice, notamment en matière de sexe, reste de pure forme (des sextoys dans un tiroir, ohlala), un simple appât et non un thème de fond teintant le film d’une puissante ambiguïté. Un manque d’investissement similaire entache la mise en scène, dont les effets paraissent accomplis par un magicien feuilletant paresseusement son catalogue au lieu d’utiliser témérairement son talent pour expérimenter, repousser les limites. De Palma ne nous tire jamais hors de notre zone de confort avec cette Passion corsetée. Dans ce banal whodunit, pas déplaisant à suivre mais trop rivé à son intrigue insignifiante, la musique de Pino Donaggio est laissée seule à tenter d’ouvrir des brèches, vers une démesure lyrique ou baroque.

[1] la proximité entre les deux titres est un hasard, dû à la « traduction » française de Dressed to kill par Pulsions

Laisser un commentaire