• Mission : impossible – Rogue nation, de Christopher McQuarrie (USA, 2015)

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Où ?

Au Max Linder

Quand ?

Mardi soir, à 19h

Avec qui ?

Seul

Et alors ?

Jouant plus sur une forme de rareté (cinq films en vingt ans) que sur la saturation des écrans (de cinéma et autres), et reposant sur une fidélité envers des visages (Tom Cruise évidemment, mais aussi Ving Rhames et maintenant Simon Pegg) plutôt que sur une marque toute puissante (dont acteurs et réalisateurs sont les subordonnés jetables), la franchise Mission : impossible est à part, à contre-courant des pratiques actuelles. Peut-être parce qu’elle était déjà mort-née à son démarrage en 1996, descendante d’une série alors vieille de trente ans dont le premier film s’est tout de suite empressé de solder l’héritage (la trahison de Jim Phelps). Depuis Mission : impossible reste obsédée par la possibilité de sa disparition ou de son remplacement, possibilité qui tient lieu de détonateur narratif dans chaque nouvel épisode : décimation des agents dans le 1, lutte contre un alter ego d’Ethan Hunt dans le 2, retraite du même Hunt dans le 3, reniement de l’équipe IMF (Impossible Mission Force) par le gouvernement américain dans le 4, et dans ce cinquième volet une attaque sur deux fronts – d’un côté la CIA qui absorbe l’IMF, de l’autre le Syndicat qui la déborde en employant ses méthodes à des fins contraires, détruire plutôt que protéger.

À contre-courant, Mission : impossible l’est aussi vis-à-vis de l’évolution du cinéma d’action et de suspense. Comme son prédécesseur Protocole fantôme, Rogue nation (écrit par le même Christopher McQuarrie, qui s’installe en plus dans le fauteuil du réalisateur suite à la décision de Brad Bird d’aller faire À la poursuite de demain) garde ses distances avec la surenchère technologique et explosive, préférant faire dans les vieux pots une meilleure soupe. McQuarrie connait ses classiques, d’Alfred Hitchcock, de Stanley Donen, et en fait bon usage. Protocole fantôme démarrait par une scène de comédie musicale avec Frank Sinatra au chant, Rogue nation rejoue à l’opéra pendant une représentation de Turandot la séquence mythique de l’assassinat en musique de L’homme qui en savait trop. Plus important, McQuarrie ressuscite un couple vu chez Hitchcock (Les enchaînés) et Donen (Indiscret) : Cary Grant et Ingrid Bergman, réincarnés en Tom Cruise et Rebecca Ferguson. Celle-ci, formidable révélation du film, est d’une ressemblance physique telle avec Bergman qu’il suffit de la filmer pour que la connexion se fasse. Le lien-clin d’œil entre Cruise et Grant prend la forme d’un costume, celui du second dans La mort aux trousses que le premier revêt dans la scène pré-générique de Rogue nation.

Que la mission impossible soit cette fois l’affaire d’un duo et non plus menée en solo donne à McQuarrie la solution au problème posé par les films de la franchise – l’essoufflement de l’intrigue sur les deux heures imparties. Le talon d’Achille de Mission : impossible est (était) sa propension à raconter une histoire solide, qui vienne compléter le produit de son grand talent : ces incroyables scènes de voltige et de cascades, d’infiltration et de fuites qui se déploient devant nos yeux à chaque fois ébahis. Car contrairement aux gadgets de James Bond, qui interviennent au sein de l’action, les trouvailles de Mission : impossible donnent vie à l’action, construisant là où il n’y avait rien des séquences entières, à la durée démultipliée par le nombre d’agents déployés sur le terrain. On y voit des informations et des plans (dialogues et story-boards) devenir des déplacements et des agissements synchronisés avec précision (mise en scène et montage) – de par sa nature même, Mission : impossible crée du cinéma. Du grand cinéma, quand le résultat est aussi virevoltant et ébouriffant que la scène de l’opéra évoquée plus haut, ou que celle de la plongée en apnée (intégrant un très beau plan de game over en vue à la première personne).

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