• Minuit à Paris, de Woody Allen (USA, 2011)

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Où ?

Au ciné-cité les Halles

Quand ?

Samedi soir, à 22h

Avec qui ?

Seul

Et alors ?

Avant que la disette qui frappe les salles de cinéma en ce début mai n’ait eu raison de mes réticences, je me voyais plutôt faire l’impasse que me déplacer pour la livraison annuelle de Woody Allen. Pour partie en raison du choix d’intégrer Carla Bruni-Sarkozy au casting, qui pousse inévitablement le spectateur à devoir lui-même choisir s’il cautionne ou non une telle affiliation, et pour partie car l’affiche et la bande-annonce étaient porteuses d’une « promesse » bien peu engageante. Celle d’un nouveau film – carte postale commis par un Woody Allen en vacances européennes en même temps qu’en panne d’inspiration ; d’un Minuit à Paris réduit à n’être en définitive rien de plus que la suite française du Vicky Cristina Barcelona de sinistre mémoire.

Sur les deux points, le résultat est malheureusement plutôt en phase avec mes craintes. Minuit à Paris semble s’en remettre à deux artifices voyants pour exister malgré la petite forme de son auteur sur ce qui fonde d’ordinaire ses succès, la verve et le rythme. Le premier et le plus anecdotique de ces artifices, c’est Carla Bruni-Sarkozy. La vacuité du rôle qui lui a été confié (trois courtes scènes, toutes purement utilitaires) et ses capacités d’actrice tout ce qu’il y a de plus quelconques ne nous laissent qu’avec deux hypothèses, l’une aussi excitante que fantasque d’un rejeu dans la vie réelle du « this is the girl » de Mulholland Drive, l’autre d’un coup marketing visant à faire parler du film. La seconde béquille sur laquelle Minuit à Paris s’appuie est plus intéressante, et au final plus frustrante. C’est cet élément central du scénario qu’Allen a tenu à garder secret jusqu’à la première du film à Cannes, qui voit le héros Gil passer ses nuits parisiennes en compagnie du gratin artistique qui avait fait sienne la ville dans les années 1920 – Scott et Zelda Fitzgerald, Hemingway, Dali, Buñuel, Picasso, etc. La belle inspiration du film, qu’il ne s’agit pas là de rêves mais d’un véritable voyage dans le temps tel que le permet la magie du cinéma (un champ-contrechamp, et le tour est joué : une rue de 2011 laisse la place à son équivalent du siècle précédent), fait malheureusement long feu. Une fois passée la découverte de la première nuit, Allen déçoit en jouant petit bras puisque loin de prendre les risques qui emballeraient le récit, il capitalise sur son idée solitaire en en tirant un dispositif routinier, à deux temps. La nuit, un effet de name-dropping ne débouchant que sur des blagues à usage unique et instantané. Le jour, un retour invariable à la confrontation ankylosée entre Gil et son entourage suffisant et imbu de soi-même – sa fiancée, les parents et amis de celle-ci.

Allen reste fermement arrimé à cette situation atone mais bien utile pour éviter de partir à l’aventure. Son Minuit à Paris, s’il amuse vaguement la galerie, parait dès lors bien fade – surtout en comparaison de Zelig et La rose pourpre du Caire, autres œuvres où le cinéaste jouait à amalgamer réalités et fictions mais en y laissant véritablement s’épanouir la fantaisie. Cette fois, trop de choses lestent trop lourdement le film : les seconds rôles inexploités, les monologues sans fin (la dernière partie en est truffée, et se retrouve transformée en dissertation scolaire sur la notion de nostalgie, ses attraits et ses périls), l’incapacité chronique d’Allen à se défaire des clichés du touriste américain vis-à-vis de l’Europe non-anglophone. Comme Barcelone, Paris est réduite à ses lieux touristiques évidents, Montmartre, les bords de Seine ; et les seuls comédiens locaux qui y ont droit de cité sont ceux qui ont percé à Hollywood, Marion Cotillard succédant à Penelope Cruz et Javier Bardem. L’avis que m’avait inspiré son précédent Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu reste tout à fait valide : Woody Allen n’a désormais plus l’énergie, ou l’envie, ou l’inspiration pour faire fonctionner son modèle classique de cinéma. Il n’impressionne plus que lorsqu’il s’efface, au profit d’un genre – le drame antique dans Match point, le film noir dans Le rêve de Cassandre – ou d’un autre artiste (Larry David dans Whatever works).

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