• Les sorties fictives de l’été (1) : The three stooges, de Bobby & Peter Farrelly (USA, 2012)

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Où ?

À la maison, en DVDrip

Quand ?

Mercredi soir

Avec qui ?

MonFrère

Et alors ?

Les frères Farrelly furent les princes de la comédie américaine dans les années 90, grâce à la formule de leur cru associant vulgarité sensible et grossièreté douce. Ils ont réalisé sur cette base au moins deux pépites du genre, Mary à tout prix et Fou(s) d’Irène, avant de se faire peu à peu déborder – d’abord par des acteurs dont ils ont contribué à faire des stars (Jim Carrey, Ben Stiller), puis par la nouvelle vague des années 2000, celle des comédies naturalistes et générationnelles de la bande à Apatow. Les derniers films des Farrelly, Les femmes de ses rêves et B.A.T., affichaient une volonté de leur part de prendre ce train en marche, en l’adaptant à la tranche des quarantenaires[1]. L’entreprise n’était pas dénuée de réussite, mais les Farrelly n’en ont pas moins décidé de faire un demi-tour complet avec ces Three stooges, retour aux sources radical et délectable.

The three stooges remonte à la source de la carrière des Farrelly, leur premier long-métrage Dumb and dumber, et même encore bien plus loin, à la source de l’inspiration de celui-ci : le comique de cinéma dit slapstick, aux gags essentiellement physiques, extravagants et effrénés. Ce genre a connu son âge d’or dans les années 1920-30, avec Charlot, Laurel & Hardy, les Marx Brothers, et… les Three Stooges originaux, auquel ce film rend un hommage avéré puisque ses trois héros ont les mêmes noms et les mêmes dégaines inénarrables que ces lointains ancêtres. Parmi les autres attributs partagés, on trouve bien évidemment une crétinerie immense, une candeur indéfectible (les quelques mauvais tours qu’ils jouent sciemment et pas malgré eux ont toujours pour seule finalité le rire), ainsi qu’une invulnérabilité physique qui les autorise à donner et prendre toutes les commotions imaginables sans ressentir la moindre douleur. Voilà les trois fondamentaux du slapstick, sur lesquels les Three Stooges ont prospéré pendant un demi-siècle et plus de deux cent courts-métrages, et dont les Farrelly tirent un film monstrueusement hilarant.

Ce qui n’est pas gagné d’avance, car les trois piliers en question n’ont rien d’une recette magique qui donnerait en un claquement de doigts une comédie réussie. Il faut se montrer aussi insensé et agité du bocal qu’eux-mêmes le sont pour les exploiter à pleine puissance. Chose qu’accomplissent parfaitement les Farrelly en n’hésitant pas à mettre en scène un film absolument gratuit, un pur film de gags, aucunement de personnages. Qui, de fait, ne pourrait être plus à rebours du souci d’anoblissement de la comédie américaine qui habite une bonne part des auteurs actuels du genre. The three stooges est régressif à la folie, plus encore que le pourtant corsé Dumb and dumber, qui sacrifiait malgré tout aux exigences d’une intrigue et d’un enjeu romantique. Ici la raison d’être du récit (sauver l’orphelinat dans lequel les Stooges ont grandi) ne fait surface qu’au bout d’une demi-heure et se fait cruellement piétiner pendant l’heure qui reste, laquelle débite en roue libre sketchs, digressions et débordements irréfléchis.

Les Farrelly voguent jusqu’aux confins de la bêtise, raclent le fond du pot, avec un sens du rythme, des gags en cascade, de l’alternance entre comique de répétition ou renouvellement des blagues qui fait merveille. Et lorsque cela ne suffit pas à nous vendre la scène, ils n’hésitent pas à recourir à l’arme lourde : l’emballement hystérique, qui conduit à la saturation de tout l’espace du film par le gag en cours, quitte à en faire éclater les frontières sans se soucier de si on pourra les remettre en place par la suite. La séquence des bébés pisseurs, moyennement drôle avant d’être transformée en invraisemblable mexican standoff, en est la démonstration la plus folle. Il est clair que les Farrelly n’ont voulu s’imposer aucune limite, afin d’être entièrement autonomes dans leurs agissements. Le casting entièrement composé de troisièmes couteaux, pour la première fois dans leur filmographie (les deux visages les plus connus sont ceux de Jane Lynch et Larry David, et sont dissimulés sous des voiles de nonnes) le prouve. Et le piquant petit supplément final manifeste à quel point les deux frères sont fiers de leur coup, et de cette manière de faire rire tombée en désuétude.

Le distributeur français ne partageait visiblement pas cette vision, au vu de la façon catastrophique dont il s’est débarrassé du film : une seule copie sur Paris, en VF, avec deux séances par jour, pendant une semaine seulement (aujourd’hui, en France le film ne passe plus qu’à Marmande, une fois par jour). Et un titre traduit de manière littérale en « Les trois corniauds », qui en plus de ne pas donner envie trahit sans vergogne le fait que Stooges était un nom de scène et non un simple qualificatif. Les limites usuelles des sorties techniques estivales ont été repoussées de plusieurs crans d’un seul coup. D’où ma décision, partagée par tous ceux qui avaient réellement envie de voir ce film, de le faire par la voie du dvdrip – en VO, comme ça.

[1] Un créneau que Judd Apatow s’est mis à son tour à occuper, avec Funny people et à la fin de cette année This is forty

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