• Les Revenants, on attend déjà leur retour

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Un seul critère vaut pour déterminer la valeur d’une série : l’envie ou non de repartir pour un tour la saison suivante. Au terme des huit épisodes de la première fournée des Revenants, c’est le cas, sans hésitation. Cette dernière « création originale » en date de Canal+ se place dans le haut du panier des séries produites par la chaîne cryptée. Comme La commune ou Reporters, elle donne le sentiment qu’il ne lui manque pas tant que ça pour réussir l’exploit de combler l’abîme séparant les séries françaises des modèles américains. Certes, quelques lacunes bien connues nous gratifient de leur présence : dialogues inconstants et parfois faiblards, difficulté à rendre crédibles les personnages définis par leur fonction sociale (ici les gendarmes), budget dont les limites se font un peu trop vite sentir dès lors que le récit cherche à prendre un peu d’ampleur. Tout cela reste néanmoins cantonné dans les marges d’une œuvre accrocheuse, aux ambitions excitantes qu’elle est pour le moment en mesure de tenir, par sa densité et son talent. On peut détacher deux signes en particulier qui ne trompent pas. Le premier est l’absence d’ennui devant les épisodes, dont les cinquante minutes passent sans peine. Non pas qu’ils nous ensevelissent sous le spectaculaire, par une multiplication grandguignolesque de coups de théâtre et morceaux de bravoure visant à détourner notre regard de l’inanité du propos (ça, c’est la saison 2 de Homeland, pas désagréable au demeurant). Mais les auteurs des Revenants savent très bien gérer le rythme de la narration, pour maintenir une tension – et une attention – constante sans avoir besoin d’une quantité disproportionnée de cartes dans leur jeu. Ils tirent le meilleur de leur groupe de personnages constitué de quatre familles, et jonglent adroitement entre périodes de basses et hautes pressions. La musique atmosphérique du groupe Mogwai, tour à tour menaçante et déchaînée, est le compagnon idéal de cette progression aussi tourmentée qu’énigmatique.

La série joue bien évidemment avec nous, nous prenant par la main pour nous guider lentement à travers une brume mystérieuse qu’elle a elle-même instaurée. Le brusque tournant scénaristique opéré dans les derniers épisodes est l’exemple le plus criant de cette entreprise de manipulation, puisqu’il révèle à quel point nous nous sommes faits méchamment baladés jusque là. Mais il n’a rien de choquant, ni de désagréable. C’est même au contraire le deuxième des signes de mérite des Revenants : la maîtrise affichée dans la communication envers le spectateur. L’équilibre subtil entre le mensonge par omission et la mise dans la confidence des secrets de l’intrigue n’est jamais mis à mal, ce qui garde la série du bon côté de la barrière entre l’excitation et la frustration. Ainsi la grande révélation évoquée plus haut ne tombe pas du ciel, mais s’insère naturellement dans les espaces laissés en blanc par le scénario. Bien évidemment, elle soulève autant, voire plus, de nouvelles interrogations qu’elle apporte d’éclaircissements. C’est le jeu du genre, et l’un des nombreux ingrédients empruntés par Les revenants à Lost – qui est selon moi le véritable horizon de la série, bien plus que Twin Peaks qui a été abondamment citée (mais qui a l’habitude de l’être à tort et à travers). Dans le panier de courses des français on trouve ainsi, pêle-mêle, le concept d’un monde clos et régi par des forces surnaturelles, qu’il va falloir sillonner et apprivoiser ; l’insertion de flashbacks individuels distillés au compte-goutte ; une ambiguïté de caractère commune à tous les protagonistes (à défaut que tous soient charismatiques) ; et une position idéologiquement et moralement neutre, clé de voûte du succès d’une série s’engageant dans une telle odyssée. On peut difficilement rêver mieux que Lost comme source où puiser. Tant que Les revenants s’y fixera, tout en sachant développer son identité propre (ce qui est le cas pour le moment, entre autres par ses traits français : place donnée à l’introspection, au sexe…), je serai devant ma télévision pour me perdre dans ses méandres.

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