• La traque, de Antoine Blossier (France, 2010)

Je like cet article sur les réseaux sociaux de l'internet!

Où ?

Au Montparnos, seul cinéma parisien à projeter le film

Quand ?

Jeudi après-midi, à 15h

Avec qui ?

Seul

Et alors ?

Présenté à l’Étrange Festival et à Gérardmer, sorti directement mais avec succès sur le marché DVD aux USA, et distribué en France dans une combinaison de salles ridiculement réduite – un seul écran à Paris donc, et trente autres par ailleurs – au cœur de la saison estivale, la plus dure de toutes pour qui n’est pas un blockbuster authentifié : La traque suit pas à pas le parcours de (non-)diffusion démoralisant mais typique d’un film d’horreur étranger. Sauf qu’il s’agit d’un long-métrage français, dont on aurait donc pu croire qu’il bénéficierait d’un traitement de faveur minimum dans son pays d’origine. Perdu ; et cette nouvelle étape dans l’envoi par le fond du cinéma de genre français (en début d’année Propriété interdite avait encore eu droit aux honneurs de salles d’importance tel le ciné-cité les Halles, même si ça n’avait pas duré) fait craindre pour ceux qui oseront encore venir par la suite.

Le plus triste dans l’histoire est que La traque n’a vraiment pas à rougir face à ses homologues anglo-saxons, sur les terres desquels il vient exercer. Le choix de Neil Marshall comme cinéaste cité pour dire tout le bien qu’il pense du film sur l’affiche de celui-ci est très judicieux : assez loin de l’horreur à la française, volontiers cérébrale et complexe dans ses tenants et aboutissants, La traque s’inscrit en effet dans la lignée viscérale et abrupte dont The descent, le chef d’œuvre de Marshall, est un des plus récents joyaux. Antoine Blossier, le réalisateur débutant de La traque, a repris à son compte la plupart des éléments à la base de la réussite de The descent – et la bonne nouvelle est qu’il en fait un usage également percutant. Un lieu unique, vaste mais sans issue, un milieu naturel profondément inhospitalier, une poignée de personnages (six au total) mis sous pression et y réagissant de manière convulsive et animale ; et sur la forme, l’instauration d’une atmosphère crépusculaire, aux confins de l’inhumain. Les dialogues sont réduits au plus strict nécessaire à la bonne exposition et progression du récit, laissant les bruits stridents et tonitruants en tous genres saturer l’espace sonore. De même, la faculté de vision des personnages et du spectateur est rapidement enrayée par la densité de la forêt puis par la tombée de la nuit, et il ne nous parvient alors plus que des bribes d’apparitions, formant un tableau jamais complet de la situation.

Sur l’auditif comme sur le visuel, Blossier a donc tout bon dans l’art de créer la peur. Sa mise en scène, au départ un peu hésitante (avec un léger abus de la caméra tremblotante) s’affirme elle aussi progressivement jusqu’à atteindre dans le dernier tiers un style quasi subjectif particulièrement puissant. La montée en régime du tempo de l’action, puis son maintien, sont eux aussi solides alors même que c’est le point sur lequel achoppent le plus souvent les films d’horreur. La phase d’introduction, forcément lente, ne paraît jamais vaine ou étirée inutilement ; et une fois les hostilités lancées, la notion même de temps mort est abolie. La traque passe d’un climax au suivant sans attendre, et trouve à chaque fois un moyen – qui ne recourt pas à une quelconque forme de triche vis-à-vis du public, c’est important de le préciser – de rendre le nouveau palier plus virulent, plus sanglant, plus terrifiant que tout ce qui a précédé. À part la conclusion qui aurait mérité d’être mieux définie (mais la voie sèche choisie par Blossier vaut mieux que les interminables diarrhées verbales auxquelles on a trop souvent droit), on trouve bien peu de choses à reprocher au scénario. Y compris dans ses fondations, où une juste dose de Isolation, autre perle horrifique britannique récente, est mélangée à la formule de The descent : le danger mortel immédiat que présentent les créatures à affronter est redoublé par un péril à plus long terme, d’origine humaine, qui permet d’ouvrir l’horizon du film à la fois vers le passé et l’avenir. Pour toutes ces bonnes raisons, en ces lendemains de fête nationale, faites une bonne action patriotique : allez voir La traque.

Laisser un commentaire