• La terre outragée, de Michale Boganim (Ukraine-France, 2011)

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Où ?

Au cinéma la Bastille

Quand ?

Vendredi soir, à 22h

Avec qui ?

Seul

Et alors ?

La terre outragée a tout pour être le film le plus frustrant de l’année. Il se hisse dans son premier tiers à des hauteurs émotionnelles absolument bouleversantes, que l’heure de film qui suit n’a de cesse de trahir par sa platitude et son absence de souffle. De quoi donner envie de vous conseiller de ne rester que pour le début, et de quitter la salle sans attendre la suite pour aller plutôt faire autre chose.

A dix ans d’intervalle, La terre outragée observe la vie d’une poignée d’habitants de Pripiat, en Ukraine, ville passée tragiquement à la postérité pour sa proximité (trois kilomètres) avec la centrale de Tchernobyl. La première partie déroule les événements des 25 et 26 avril 1986, veille et lendemain de la nuit où a eu lieu la fusion du réacteur. L’accident en lui-même reste à l’orée du champ du récit, car le réalisateur Michale Boganim fait le choix de rester avec les civils qui voient, impuissants, leur monde s’effondrer d’un jour au suivant. Les personnages plus activement impliqués dans la réaction à la catastrophe (un ingénieur comprenant immédiatement les effets terribles de celle-ci, un pompier réquisitionné pour juguler l’incendie) n’ont rien de héros, même maudits ; ils sont les victimes les plus profondément détruites, physiquement pour l’un et mentalement pour l’autre. Pour filmer leur drame à eux et aux autres, extrêmement soudain – consommé en deux jours – de leur point de vue quand depuis le notre il paraît horriblement long, chaque minute supplémentaire étant en soi une agonie, Boganim se positionne à la meilleure distance qui soit. Il utilise justement cet ineffaçable décalage entre l’ignorance passée des gens de Pripiat et notre connaissance actuelle de ce qui leur est arrivé, et a conscience qu’il n’a besoin de rien d’autre. Il enregistre avec la neutralité d’un documentaire direct la vie en ce lieu et en ce jour, et laisse le cerveau du spectateur donner vie au drame en adossant à ces images ce qu’il sait, et en leur conférant ainsi une puissance tragique dévastatrice. Plus rien n’est alors anodin, et même la simple vue de la pluie qui tombe devient insoutenable puisque l’on sait qu’elle constitue le premier vecteur des retombées hautement radioactives.

Par sa pudeur et son économie de moyens, La terre outragée accomplit une proposition possiblement insurpassable de recréation par la fiction de la catastrophe humaine de Tchernobyl. Malheureusement, comme dit en introduction il s’égare ensuite dans un cas d’école de world cinema contemplatif, ampoulé et tournant à vide. Il y a un gouffre en termes de qualité et d’impact entre les deux parties du film, celle retrouvant les survivants du drame dix ans plus tard ayant si peu à dire (l’impossibilité de se détacher de son passé, quand bien même la ville qui l’a abrité est devenue une zone interdite et pétrifiée) et encore moins d’inspiration pour l’exprimer. Son unique thème a beau être décliné sur plusieurs personnages, il l’est toujours de la même manière et avec la même minceur. Peu à peu, il ne reste de l’incroyable intensité du premier acte qu’un vague écho, un souvenir enseveli sous l’ennui qui s’accumule au cours de la suite. Vraiment, mieux vaut quitter le film avant d’en arriver là.

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