• Film d’horreur à Airbus

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C’est une poignée de secondes au milieu du documentaire EADS-Airbus, une affaire d’États diffusé la semaine dernière sur Arte. Rompant avec la litanie usuelle des interviews de
témoins et des images d’archives télévisuelles, ces quelques secondes viennent d’une vidéo interne à Airbus. Elles montrent, dans un des immenses hangars d’intégration des avions à Hambourg, un
ingénieur confier à deux heures du matin à la caméra d’un collègue sa profonde frustration : il manque un centimètre de câble pour relier comme prévu la partie du fuselage de l’A380
fabriquée sur place avec celle venant de l’usine de Toulouse.

La séquence est extraordinaire pour deux raisons. Par sa simple existence, tout d’abord : ce hangar est le siège du cœur de métier d’une entreprise multinationale à l’activité stratégique,
autant dire un lieu qui compte en théorie parmi les plus opaques au monde – n’importe quel service, même annexe, de n’importe quelle entreprise étant déjà quelque chose de difficile à percer avec
une caméra. Et pourtant, ces images existent et sont arrivées jusqu’à nous, preuve qu’aujourd’hui la multiplication des caméras en tous genres rend l’ensemble de la planète filmable à chaque
instant. Dans notre monde moderne l’enregistrement sur vidéo est partout, et tout le temps ; pas étonnant qu’on lui prête toutes les vertus, de la prévention de la délinquance aux fautes de
main sur un terrain de football.

La deuxième raison tient au fait que ce qui est filmé là est la genèse d’un des plus grands ratages industriels de ces dernières années. Le centimètre qui manque à cet ingénieur coûtera des
milliards d’euros à EADS, la holding d’Airbus, un trou financier qui sera en grande partie reporté sur les épaules des salariés via un opportuniste plan de « rationalisation » des
effectifs – licenciements, fermetures de sites, la routine. Connaître la suite du scénario de ce film d’horreur sociale et économique fait de la vidéo du hangar une scène d’ouverture parfaite,
qui suit à la lettre les codes du genre horrifique ; jusqu’au casting du jeune ingénieur anonyme comme figurant découvrant le premier le pot aux roses sans être en mesure d’en saisir toutes
les ramifications et qui, une fois ce rôle rempli, disparaît totalement de la suite du récit. Quelque part entre Cloverfield (les caméras omniprésentes pour capter tous
les drames à hauteur d’homme) et un Hostel ou
The box (pour
le développement du drame), la réalité trouve sa place parmi les fictions. Le rapprochement entre les deux mondes tourne de plus en plus à l’amalgame, un fait qui donne le vertige.

 

2 réponses à “Film d’horreur à Airbus”

  1. la-cinephile-masquee dit :

    sans oublier que l’ingénieur en question ressemble à un acteur américain avec sa casquette de baseball

  2. <a href="http://cine-partout-tout dit :

    Tout à fait, tiens !