• Demain dès l’aube, de Denis Dercourt (France, 2009)

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Où ?

Au ciné-cité les Halles

 

Quand ?

Mardi soir, en avant-première

 

Avec qui ?

Ma femme

 

Et alors ?

 

Avec La tourneuse de pages, Denis Dercourt avait endossé l’habit de défricheur d’un territoire délaissé par le cinéma français : le thriller hitchcockien, cérébral et saturé
de pulsions et de non-dits d’ordre sexuel. Son nouveau film, Demain dès l’aube, confirme ce goût pour les contrées non balisées ; le choix d’aborder le sujet des
« reconstituteurs » de batailles de l’armée napoléonienne emmène en effet l’histoire sur deux terrains tout aussi rares chez nous, le film de guerre et le récit de mondes parallèles,
imperméables l’un à l’autre et que rien ne doit faire se rencontrer.

La mise en place de ces différentes pièces qui constituent l’audacieux puzzle de Demain dès l’aube est remarquablement exécutée, et pleine de promesses. Les liens qui unissent
Paul et Mathieu, le duo de héros – ils sont frères, et très proches – et le caractère de chacun (le plus jeune vit sans compromis sa passion pour les reconstitutions, son aîné est à un moment de
remise en question de sa vie bien ordonnée et est donc ouvert à de nouvelles choses) permettent à Dercourt de faire accepter au spectateur, dans les pas de Paul et Mathieu, l’existence de cet
autre univers, coupé du temps et des conventions du monde « réel » ; et surtout, de lui faire accepter son sérieux. Un plan superbe cristallise la force du film : les deux
frères marchant dans une forêt vers un lieu de rassemblement, en tenue de ville, et voyant soudain sortir de la brume un orchestre napoléonien en pleine d’exécution d’un air militaire. Aucun
signe concret ne vient indiquer lequel des deux groupes est dans le vrai quant à l’adéquation entre sa tenue et l’époque qui tient lieu de présent.

 

Demain dès l’aube est rempli d’autres images comparables – une voiture tout ce qu’il y a de plus banale garée en bordure d’un champ où va se tenir un duel, un travelling vaporeux
à travers une salle de réception remplie de nobles de « l’Empire », une rencontre fortuite dans le monde réel entre deux soldats. Les choix de casting sont eux aussi épatants, avec une
mention toute particulière pour Aurélien Recoing en commandant de régiment / Ogre de conte de fées, et Jérémie Rénier dont le sourire tout en dents et en folie semble emprunté au Joker. Dercourt maîtrise incontestablement sa double incursion dans le
film de genre ; on regrette qu’il ne s’y installe pas plus. Par manque d’ambition, et sûrement (et malheureusement) aussi par manque de moyens, la communauté parallèle des reconstituteurs
n’est pas exploitée à la hauteur de son potentiel. Ses fondateurs et résidents ne sont que survolés, et restent cantonnés au rôle de faire-valoir de l’aventure des deux frères héros. Dans ce
contexte, la résolution finale – une collision soudaine entre les deux mondes, aux conséquences dramatiques – a beau être aussi réussie que celle de La tourneuse de pages, elle
force ici de manière trop abrupte notre expulsion d’un univers que l’on aura finalement à peine entraperçu. Un film de guerre, même aussi spécial que Demain dès l’aube, requiert
une toute autre ampleur qu’un thriller ancré dans le quotidien.

Une réponse à “Demain dès l’aube, de Denis Dercourt (France, 2009)”

  1. la-cinephile-masquée dit :

    finalement ça m’a plutôt marquée, je m’en souviens très bien. Je n’ai pas remarqué autant que toi le manque de moyen, même si j’aurais aussi aimé en savoir plus sur les autres rolistes. Le risque ? Tomber dans un documentaire « vis ma vie ». Je pense que cette raison, plus que le manque de moyens qui n’a pas l’air d’être si paralysant que ça, explique qu’on reste focalisés sur les deux persos principaux.