• de ‘Vertigo’ à : Basic instinct, de Paul Verhoeven (USA, 1992)

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À la maison, en DVD

Quand ?

Dimanche soir

Avec qui ?

MaBinôme

Et alors ?

Parce que des images valent mieux qu’un long discours, axiome encore plus fondé lorsqu’il est question d’un art visuel tel que le cinéma, voici en captures d’écran la plupart des correspondances directes entre Basic instinct et le chef d’œuvre de Hitchcock Sueurs froides (dont j’ai parlé en long, en large et en travers ici) :

San Francisco

Le manteau blanc et le chignon

Les filatures en voiture

L’escalier

Rajoutons à cette liste des éléments moins graphiques mais pas moins nets : le traumatisme qui hante le héros masculin, lié à l’exercice de son travail de policier ; la figure du personnage secondaire purement utilitaire dont la seule fonction est de tenter de faire raison garder au héros, contre l’appel de ses passions et pulsions. Ce rôle ingrat tenu par Barbara Bel Geddes dans Sueurs froides se voit ici dédoublé, entre George Dzundza et Jeanne Tripplehorn.

Mais Basic instinct intègre également, et de façon tout aussi flagrante, une scène emblématique d’un autre film : celle de l’ascenseur dans Pulsions.

Difficile de penser que le hasard ait pu tenir une quelconque place dans ce choix, étant donnée la relation spéciale de De Palma, l’auteur de Pulsions, avec l’œuvre d’Hitchcock. Paul Verhoeven profite de Basic instinct pour reprendre la suite du travail considérable, moitié révérence et moitié déconstruction, effectué par Brian De Palma sur les motifs et obsessions hitchcockiens. Au passage, le stupéfiant dernier plan du film, revenant d’entre les morts (le fondu au noir et la montée de la musique signifiant la fin) pour faire basculer brusquement notre perception de l’histoire, serait tout à fait à sa place dans un thriller manipulateur de De Palma… Fin de la parenthèse. À son tour, Verhoeven ne se contente pas d’un simple hommage à Hitchcock, qui pour le coup aurait tourné au plagiat en bonne et due forme au vu des multiples « emprunts » listés plus hauts. La relecture de Sueurs froides dans Basic instinct va bien au-delà de la remise au goût du jour (la Coit Tower remplacée par la Transamerica Pyramid), elle vise au renversement de ses fondations. Avec le concours de son héroïne Catherine Tramell, et de son interprète Sharon Stone, Verhoeven tue le père, le maître Hitchcock, à coups de pic à glace et de romans racontant par le menu les meurtres passés et à venir.

Hitchcockienne en apparence, puisque blonde fatale, Catherine est en réalité la femme anti-hitchcockienne par excellence. Maîtresse de son destin, elle est tout le contraire des frêles victimes sans défense dont l’œuvre d’Hitchcock se repaît. Catherine est émancipée sur tous les plans, financier, professionnel, sexuel. Elle est plus que l’égal des hommes, elle les domine sans discussion intellectuellement (son interrogatoire qui tourne à la débâcle pour les policiers) et sentimentalement, en s’octroyant le droit d’aimer ou simplement de faire l’amour, avec des hommes ou bien des femmes. C’est d’ailleurs elle et non un homme, comme c’est d’ordinaire l’usage, qui se trouve au sommet de la chaîne alimentaire du film, ne devant rien à quiconque et influant sur le sort de tous les autres protagonistes. La prise de pouvoir de Catherine est rendue totale par la portée symbolique de son statut d’écrivain, et des livres qu’elle écrit. Ceux-ci relatent les morts, accidentelles ou non, qui frappent les membres de son entourage – ses parents, ses amants. Savoir si Catherine en est responsable ne revêt qu’une importance secondaire ; ce qui compte avant tout est qu’elle écrit elle-même son histoire, s’arrogeant ainsi la place d’Hitchcock, et des hommes en général dans le milieu du cinéma.

Quant à Verhoeven, il n’a aucun état d’âme à jouer les bras droits, en mettant sa brillante mise en scène à son service. Comme tous les films du néerlandais Basic instinct est un roller coaster d’exception, au rythme et à l’intensité affolants ; mais il est aussi très clairement de parti-pris, épousant dès que l’opportunité se présente le point de vue de Catherine. La scène d’interrogatoire déjà évoquée en est le plus puissant exemple. Verhoeven lui applique un découpage dévastateur, dont la férocité et le chaos apparents remuent le couteau dans la plaie de l’incapacité du groupe d’hommes présents dans la salle à garder le contrôle des événements, contre la femme seule qui leur fait face.

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