• De bien bons bonus (2/2) : Clones

Je like cet article sur les réseaux sociaux de l'internet!

Il peut suffire d’un unique très bon élément pour sauver un ensemble. Prenez l’édition Blu-Ray de Clones (le DVD est vendu sans aucun supplément, une pratique mesquine qui tend malheureusement à se développer). Les deux courts modules documentaires placés en tête de la section des bonus peuvent bien être globalement inutiles – même si celui sur les aspects scientifiques et technologiques retombe sur le même dilemme profond de notre société déjà au cœur du film, entre une admiration impulsive béate vis-à-vis du progrès et dans un second temps une prise de conscience aussi inquiète qu’inévitable de ses risques collatéraux. De même, les scènes coupées peuvent bien faire du 50/50, avec deux tronçons inutiles et deux autres de bonne facture (ceux qui imaginent encore d’autres manifestations de l’inimitié profonde entre vrais humains et clones de substitution). Tout ceci n’est pas bien contrariant, car le commentaire audio du réalisateur Jonathan Mostow est excellent.

On y fait la connaissance d’un cinéaste adroit, talentueux, et qui a eu à cœur de réaliser un film de qualité, ayant son âme propre, et pas simplement un produit de consommation recopiant une à une les pages du graphic novel d’origine. On le sent par exemple lorsque Mostow détaille le processus pour aboutir à des clones qui soient, sur un écran de cinéma, et crédibles (par l’éclairage, le jeu des acteurs) et inquiétants (là ce sont le choix des objectifs et le montage qui aident à y parvenir). D’une manière générale son discours – où les silences sont très rares – revient régulièrement sur sa volonté d’apporter quelque chose au matériau de départ, de le rendre cinématographiquement viable. Pour cela, il revendique le fait de s’être placé dans les pas des films noir et des thrillers hitchcockiens, où la compréhension exhaustive des tenants et aboutissants des intrigues et de l’enquête importe moins que la mise en exergue des questionnements de société et d’humanité posés par le film. L’accent est ainsi principalement mis, dans son commentaire comme dans son film, sur les rapports malhabiles que les personnages développent avec les autres aussi bien qu’avec eux-mêmes ; la possibilité offerte de se fondre dans son clone entrant en conflit avec un bon nombre d’autres aspirations humaines.

Dans cette optique l’action et le suspense sont accessoires. On apprend même qu’ils ont souvent été rajoutés a posteriori, pour rééquilibrer un peu le récit. Le ravissement de Mostow d’avoir ainsi pu faire bouger les lignes, le temps d’un film, est palpable. Il donne sa vision de la place – contenue – que doit être celle d’une scène d’action au cinéma. Il s’étend avec délectation sur les portions du scénario qui vont à l’encontre des règles établies (la malléabilité des clones dès lors qu’ils peuvent être contrôlés par plusieurs humains, la mise en retrait du héros)… Et il a pleinement conscience que ce genre de pari se joue et se gagne à deux, puisqu’il requiert l’adhésion et le concours actif du public. Mostow en vient donc, naturellement, à évoquer – et convoquer – l’intelligence du dit public. Ce qui n’est définitivement pas une logique de création d’un simple produit de consommation.

Laisser un commentaire