• Dans la maison, de François Ozon (France, 2012)

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Où ?

Au ciné-cité les Halles

Quand ?

Mardi soir, à 22h30

Avec qui ?

Seul

Et alors ?

La bande-annonce assez catastrophique et le sujet pas vraiment de la première jeunesse de Dans la maison l’avaient rayé de ma liste. Puis les avis intrigants que j’ai pu lire à son sujet (en bien comme en mal) l’ont repêché. Au final, sans crier au génie, je ne conteste pas un certain plaisir pris devant le film. Plaisir étonnant, paradoxal presque, tant Dans la maison carbure en brûlant une énergie exclusivement négative qui devrait en toute logique le consumer lui aussi. Ozon y démantibule tous les jouets du cinéaste, méthodiquement, sans exception. Il éreinte et renvoie dos à dos l’ensemble des personnages, dont les travers dépassent allègrement les mérites. Ils peuvent bien se montrer sincères, avoir du talent, ou encore faire preuve d’une louable abnégation ; le film finit invariablement par faire triompher leur manière individuelle d’être mauvais, que ce soit en empruntant la voie de la médiocrité, de la colère, de la malveillance. Aucun ne trouvera jamais la bonne mesure, le bon équilibre – soit petits êtres piteux, soit potentiels supérieurs gâchés par la suffisance.

La même logique de la terre brûlée commande la progression du récit. Dans la maison saute de rédaction en rédaction remise par l’élève (Claude / Ernst Umhauer) au professeur (Germain / Fabrice Luchini) sous le manteau, entre deux portes, à la manière d’un brûlot licencieux. Chaque épisode appelle le suivant par la formule tentatrice « à suivre… », et le film se plie à cette injonction de n’entraver sous aucun prétexte la marche en avant de l’intrigue – tout en introduisant après chaque nouvelle scène un moment de commentaire sans concession de la composition tout juste présentée. Germain corrige sèchement les copies de Claude, pointant les errements stylistiques et raillant les emprunts trop voyants. Mais cela ne fait pas de Dans la maison un work in progress sur le processus créatif, pas plus qu’un méta-film érigeant une tour de Babel de références en tous genres. Ozon, loin de produire quoi que ce soit, détruit inlassablement et ne reconsidère jamais son ouvrage. Il scie la branche sur laquelle il se tient, tombe sur une autre, recommence, dans un mouvement sans fin dont le résultat à l’écran est une succession de saynètes volontairement inachevées, approximatives, et laissées telles quelles.

Ce numéro de funambule kamikaze engendre pourtant son petit vertige. Parce qu’Ozon embrasse pleinement l’artifice vers lequel sa démarche le pousse, la volatilité de son jeu de passe-muraille, le sans-gêne des passe-droits qu’il s’octroie nous deviennent agréables. La frontalité mise en œuvre dans la présentation des exercices de Claude et de leurs critiques par Germain est tellement abrupte qu’elle désamorce tout. Ozon pousse la franchise (ou bien le vice ?) jusqu’à se mettre lui-même, aux côtés de Pasolini, Woody Allen, Barbara Cartland, etc. dans le bric-à-brac de sources d’inspirations escamotées par le film. Une piste possible pour appréhender Dans la maison est en effet de voir en Claude un alter ego du Ozon première période (de loin la meilleure à mon sens), quand il jouait à empêcher des foyers « normaux » de tourner rond ; et d’envisager son entrée par effraction dans une telle famille comme une reprise de Sitcom, film-manifeste du réalisateur. Mais la gaucherie flagrante de ladite reprise fait avorter cette option aussi certainement que les autres. Dans la maison tout est vide et Ozon ne s’en cache pas. Seule demeure, sur le mur du fond, une fresque : le très beau plan final, qui offre à notre vue et à notre imagination une multitude de possibilités nouvelles de récits à inventer une fois ceux de Dans la maison épuisés.

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