• Coup d’éclat, de José Alcala (France, 2011)

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Passé tout à fait inaperçu quand il est sorti en salles il y a un peu plus d’un an (moi-même je l’ai manqué), Coup d’éclat a été victime des connexions erronées que l’on a vite fait de faire à son sujet. Au premier abord, on peut n’y voir qu’un polar français sur fond de grisaille sociale, un de plus, considérer que cela fait un de trop et passer son chemin. Le synopsis nous avise qu’il va être question d’une inspecteur de police, jouée par Catherine Frot, sur la trace de l’enfant qu’une jeune femme sans-papier aurait laissé derrière elle en se suicidant. Effectivement ce n’est ni très folichon, ni très original. Mais Coup d’éclat fait partie de ces longs-métrages qui rappellent que ce n’est pas l’argument qui compte, mais la façon de le mettre en scène. Sur ce front, le réalisateur José Alcala lorgne nettement du côté de l’Amérique, et de ses films policiers efficaces sur le fond et soignés dans la forme. Cela lui permet de se hisser sans problème au-dessus de la mêlée sur l’aspect plastique, avec une caméra et un découpage sûrs, plutôt qu’agités à force de vouloir paraître nerveux, et de très belles scènes nocturnes. Dont le dernier plan, qui parachève l’ensemble et qui par son cadrage (figure de profil, ville la nuit en arrière-plan) fait de Fabienne / Catherine Frot une héroïne à la Michael Mann, dans la droite ligne de ce que le scénario nous dit d’elle. Comme les professionnels qui aimantent la caméra de Mann, Fabienne est une flic qui fait son boulot, rien que son boulot (elle y consacre ses journées comme ses nuits), tout son boulot (les vraies missions d’un policier, pas l’application de la misérable politique du chiffre) ; ce qui l’imprègne d’une dignité immense.

En ce qui concerne son récit, la seule concession malheureuse faite par Coup d’éclat à la douteuse qualité française en matière de polars est l’obligation faite à Fabienne d’endurer une collection de pathos familiaux pesante et inutile. Inutile, car l’engagement narratif qui se trouve au cœur du film était bien assez fort pour tenir toute une œuvre sur ses épaules. Alcala s’inscrit dans une fort belle tradition cinématographique, que j’ai évoquée dernièrement à l’occasion de la découverte d’Au-delà des collines à Cannes : celle consistant à révéler au grand jour les tragédies humaines qui nous parviennent d’ordinaire dénaturées sous la forme de faits divers sordides et jetables. Coup d’éclat est d’une grande justesse en figurant en son sein même ce que ce cheminement a de progressif. Les invisibles (immigrés vivant en foyer, travailleurs pauvres exploités et relégués dans des camping-cars) à la rencontre desquels Fabienne se force à aller au cours de son enquête apparaissent d’abord à la marge de l’image, dans des arrière-plans fugitifs ou mal définis, de la même manière qu’ils sont alors à la marge de son champ de vision à elle, à nous ; celui des gens admis dans la bonne société. Le coup d’éclat du titre est l’entrée en dissidence de Fabienne, son refus de la démarcation tacite – et confortable pour ceux qui se trouvent du bon côté – entre les intégrés et les sous-citoyens. Par ce moyen elle découvrira, et nous fera découvrir, ce qui se cache concrètement derrière un entrefilet de journal ou un rapport de police rédigé à la va-vite : des oubliés qui ne sont en rien des héros mais sont pris au quotidien dans un combat éreintant pour la survie. L’exigence de vérisme dans le bout de chemin fait à leurs côtés se diffuse à tout le film, jusque dans sa séquence d’action finale, très forte car très concrète, collant au point de vue et aux capacités des personnages, ne cédant pas un instant aux sirènes du m’as-tu-vu.

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