• Chico & Rita, de Fernando Trueba & Javier Mariscal (Espagne, 2010)

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Où ?

Au club de l’étoile, en avant-première (le film sort le 6 juillet en salles)

Quand ?

Vendredi soir, il y a trois semaines

Avec qui ?

Seul

Et alors ?

La création artistique a ceci de beau qu’on ne peut jamais être sûr qu’elle n’a pas un joker caché dans sa manche, qui provoque l’étonnement en révélant une facette imprévue d’un réalisateur. Parfois la surprise est mauvaise, quand l’artiste en question s’engage dans une voie qui ne lui correspond pas ; parfois elle est bonne, quand à la nouveauté s’ajoute un véritable bond dans la qualité. Chico & Rita est une surprise de la bonne catégorie – il n’était pas évident que ce soit un film aussi enthousiaste, palpitant, plein d’appétit, qui naisse de la collaboration entre les deux artistes établis, et ayant une conception quelque peu rentière de leurs aptitudes, que sont Fernando Trueba et Javier Mariscal. Le premier est un archétype de cinéma patrimonial, aussi rarement mauvais que saisissant, qui a connu son heure de gloire en remportant l’Oscar du film étranger avec Belle Époque. Le second est un dessinateur / designer le plus souvent affilié à de grands événements – la mascotte Cobi des J.O. de Barcelone, c’est lui – et surtout à de grandes marques commerciales.

Autant de préalables négatifs balayés sans difficulté par la passion qui a réuni les deux hommes, pour la musique cubaine et la réminiscence de son âge d’or au cours des années 1940-50, quand les rythmes de rumba, salsa et autres ont déferlé sur les USA et partant de là sur le monde. Trueba et Mariscal se sont rencontrés à l’occasion du projet Calle 54 qui traitait de ce thème ; et de ce documentaire est venu le désir de fiction, moyen par lequel un passé glorieux et exalté peut revivre avec beaucoup plus d’instantanéité, de vérité. Chico & Rita est ainsi tout entier dévoué à la musique cubaine, qui lui prête en retour ses attributs enchanteurs que sont sa sensualité, son effervescence, son épicurisme à fleur de peau – les bons comme les mauvais moments de l’existence sont vécus de plein fouet, sans distance. On fait difficilement mieux comme manière de donner de la noblesse et surtout du cœur à une histoire mi-romantique, mi-docu-fiction aux ressorts classiques. Chico le pianiste et Rita la chanteuse s’aiment intensément, se brouillent et se séparent de la même façon ; puis ils se remettent ensemble, ou sont de nouveau séparés, au gré des aléas de la vie ou de leurs propres coups de folie. Leur romance les mène de La Havane à New York, croise la route de la révolution cubaine et de figures mythiques du jazz comme Charlie Parker ou Dizzy Gillespie.

La bande-son du film est évidemment un concentré de bonheur, entre reprise de tubes impérissables de l’époque et nouvelles compositions inspirées du cubain Bebo Valdés. Cette boulimie de musique, mais aussi de couleurs chatoyantes et de visions luxuriantes (le plaisir de recréer sous forme dessinée les atmosphères urbaines d’alors est une composante majeure du projet), place Chico & Rita dans les pas des comédies musicales ravissantes de ces mêmes décennies. Et entraîne tout le reste du projet dans son sillage, tirant le meilleur de la prédilection de Trueba pour les histoires d’amour et du talent de dessinateur de Mariscal. Les quelques défauts du film – sa finition technique parfois hasardeuse, la portée somme toute très limitée de son récit – passent alors pour très mineurs, tant on ne voit presque plus que ses qualités charnelles et sentimentales.

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