• Chauffeur, si t’es champion… one more time : Duel, de Steven Spielberg (USA, 1971) et un bonus

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Et alors ?

 

Deux articles récents de ce blog mènent à Duel par deux chemins distincts : Les dents de la mer, par son
réalisateur évidemment, et le duo Speed
/ Unstoppable
, par son addiction à la vitesse. En 1971, 23 ans avant Speed, Steven Spielberg donnait avec Duel une
démonstration de maîtrise du phénomène. Accessoirement, il donne aussi une leçon de cinéma et invente plus ou moins un nouveau genre. En effet, à cette date-là le cinéma d’horreur réaliste des
années 70, les slashers et autres, est encore en gestation ; seule préexiste la série culte La quatrième dimension, dont Spielberg a toujours été un
inconditionnel. Et dont il crée avec Duel une déclinaison sur la durée d’un long-métrage, avec la collaboration d’un scénariste régulier de la série – le grand auteur de
littérature fantastique Richard Matheson, qui a écrit le script du film sur la base d’une de ses propres nouvelles.

 

Le cauchemar commence avec presque rien. Une route vallonnée qui sillonne quelque part dans l’intérieur désertique des terres californiennes, et sur cette route un camion-citerne décrépi que le
héros David double une première fois, puis une seconde après que le camion lui a fait la mauvaise surprise d’accélérer, de le dépasser à son tour avec une brutale queue de poisson à la clé, et de
reprendre sa vitesse d’escargot initiale. Ce ballet irritant, mais a priori insignifiant, est le prélude à une journée de persécution aux proportions dantesques. Le camion est le chat, David la
souris, et le premier déploie des trésors de perversité et de cruauté pour amener le second au seuil de la mort. Chaque nouvelle situation géographique ou topographique (une portion de route en
descente, un passage à niveau, une station-service…) devient pour lui un terrain de jeu sur lequel il met en place une nouvelle stratégie pour mettre au supplice sa proie. A ce stade, aux deux
articles mentionnés en introduction peut s’en ajouter un troisième : le pétard mouillé
Buried
, comme une antithèse de la leçon faite par Spielberg de ce que l’on peut accomplir à partir d’un
pitch minimaliste à suspense. Contrairement à la paresse et au surplace de Buried, Duel enchaîne des séquences sous tension qui se
montrent imaginatives, singulières, et surtout ayant chacune leur micro-scénario avec un début, une fin, une montée en pression prononcée et quelques renversements bien sentis. Et c’est ainsi que
le film nous tient entièrement en haleine jusqu’à sa toute dernière image.

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La mise en scène a aussi son mot à dire dans cette prouesse. Spielberg isole les deux protagonistes centraux par rapport au reste du monde, qui semble avoir disparu, comme réduit à néant. On ne
croise aucune autre voiture dans cette course folle, pas plus qu’on n’en voit en arrière-plan [selon le même principe visuel appliqué par le réalisateur dans Les dents de la
mer
en plaçant le bateau de ses personnages si loin de tout rivage que ceux-ci deviennent invisibles)]. Dès lors, en l’absence de figurants, les quelques seconds rôles qui
interviennent de manière active dans le récit apparaissent comme déplacés, irréels, et donc incapables d’infléchir concrètement le cours des événements – impossibilité qui se vérifie à chaque
fois. En entrant à son corps défendant dans ce duel avec le camion, David s’est soustrait au monde commun dans lequel le générique le montre pleinement intégré : on le voit quitter sa
maison, prendre l’autoroute au milieu des autres véhicules, écouter à la radio les informations et les talk shows. C’est là l’une des choses qui font de Duel plus qu’un
film-concept, mais bien un film-matrice du cinéma de genre de la glorieuse décennie à venir – l’horreur, les chasses à l’homme paranoïaques, la science-fiction à hauteur d’homme.

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Duel flirte avec tous ces genres, et les hybride, par l’univers alternatif qu’il crée autour de ses personnages (ils quittent la réalité et entrent dans la fiction
cauchemardesque) et par le statut qu’il confère à ceux-ci. La différence de dénomination n’est pas anodine. David est un être de chair et de sang, clairement dissocié de sa voiture dont il
s’extrait régulièrement – et il est régulièrement attaqué alors qu’il se trouve à l’extérieur de celle-ci. Le camion a certes un conducteur, mais qui n’apparait jamais de manière évidente à
l’écran. Les champs-contrechamps opérés par Spielberg sont entre David et le camion, et non entre David et le chauffeur du camion. Lequel devient une simple extension de son véhicule titanesque,
un accessoire dont ce dernier a besoin pour avancer et broyer ses proies. Et à mesure que le chauffeur rapetisse, le camion grandit ; jusqu’à s’élever au rang de monstre terrible d’un récit
d’horreur ou de science-fiction, que le héros doit terrasser en opposant sa ruse à la force brute. Signe annonciateur d’un grand talent doublé d’une grande ambition,
Duel n’arrête jamais de s’élever depuis son modeste point de départ. Dans son ultime scène, il atteint le niveau de spectacle et de tension qui est celui des très grands
films.

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Pour clore – provisoirement – la séquence « Chauffeur si t’es champion », un autre film s’est incrusté dans la sélection de manière inopinée : Terminator
3
, vu sur la VOD Canal+ qui diffusait tous les films de la série à l’occasion du passage de Terminator renaissance. Terminator 3
est à peine meilleur, n’assumant la noirceur de son propos (un héros dépressif, une apocalypse nucléaire inévitable) que dans ses toutes dernières minutes tout à fait anti-spectaculaires, et
faisant auparavant du remplissage pour temporiser et rester un blockbuster cool. C’est regrettable, sauf dans la première demi-heure où cela se traduit par l’intégration, avant même que
le récit n’ait démarré, d’une poursuite en voiture absolument démesurée. Parce qu’il y a un Terminator au volant de chacun des véhicules. Parce que l’un des véhicules n’est pas une voiture mais
un monstrueux camion-grue. Et parce que ce dernier est accompagné d’un escadron de voitures sans pilotes, guidées à distance par le Terminator équipé du Wifi. Mon tout est un monument de
démolition qui rivalise d’égal à égal avec la séquence de l’autoroute de Matrix reloaded pour le titre de scène de poursuite en voiture la plus
forte du début du 21è siècle.

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Une réponse à “Chauffeur, si t’es champion… one more time : Duel, de Steven Spielberg (USA, 1971) et un bonus”

  1. quel bon film! un vrai régal pour les nerfs….