• Carnage, de Roman Polanski (France-Allemagne-Espagne-Pologne, 2011)

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Où ?

Au Majestic Bastille

Quand ?

Jeudi soir, à 22h

Avec qui ?

Seul

Et alors ?

Devant Carnage, on comprend tout à fait ce qui a attiré Roman Polanski dans la pièce de Yasmina Reza (Le Dieu du carnage) qu’il a adaptée pour l’occasion. Les deux ressorts centraux du texte, l’enfermement d’individus dans un appartement transformé en cocotte-minute sans soupape et l’observation de bourgeois bien élevés se laissant déborder par leur moi profond bestial, sont des thèmes qu’il a remués dans tous les sens au cours de sa longue carrière. Les voilà servis sur un plateau, avec comme motif un rendez-vous pris entre deux couples de Brooklyn suite à une bagarre entre leurs fils respectifs. Opérer le déplacement de l’action de la pièce de Paris à New York a tout d’une inspiration retorse du cinéaste, dont on sait qu’il ne peut entrer aux USA sans être arrêté et probablement y finir sa vie en prison. Polanski nargue les américains en contrefaisant en studio un film se déroulant soi-disant chez eux ; facétie qui tourne à la charge lourde et corrosive quand on découvre ce qu’il fait de ses marionnettes symbolisant ce peuple.

Une des quatre protagonistes en particulier est sacrifiée au profit de cette vendetta personnelle. Penelope, celle des deux mères à l’origine de la rencontre, dérive progressivement vers une caricature hystérisée de chienne de garde déontologique autoproclamée plus vertueuse et intègre que n’importe qui. Elle érige en vérités et doctrines objectives ses opinions privées et simplificatrices sur la morale, l’éducation, la politique, le bien et le mal. La torture à petit feu que Polanski lui fait subir en foulant aux pieds toutes ses médiocres certitudes les unes après les autres est évidemment réjouissante, à sa façon caustique, mais elle entraîne le film sur une pente bouffonne plus anecdotique que mémorable. Penelope paye pour les harpies – des deux sexes – qui ont fait de la vie du réalisateur un enfer suite aux accusations de viol sur mineure dont il a fait l’objet. Dans ce contexte, la tirade où elle professe sa certitude que, dans toute affaire, les rôles de victime et de coupable sont clairement définis et inaltérables (la victime ne peut être qu’innocente, le coupable n’a nulle circonstance atténuante) déborde de ressentiment et de dégoût à l’encontre des gens pouvant avoir une vision si confortablement étriquée du monde.

Très pro, Jodie Foster se charge sans une once d’hésitation du sale boulot d’incarner un tel repoussoir, même si cela signifie laisser les autres comédiens prendre la lumière. Les deux mâles sont un peu en retrait, la faute à leur écriture moins subtile, et au casting un peu trop évident – John C. Reilly et Christoph Waltz jouent sur du velours dans des rôles dont ils déjà interprété tant de variantes – ; c’est donc Kate Winslet qui attire l’essentiel de l’attention et de l’admiration. Entre ici et Contagion (et quand bien même les deux films sont loin d’être parfaits), cela fait plaisir de la voir être redevenue une actrice à temps plein, qui crée des personnages intéressants et surtout réels, maintenant qu’elle a eu son satané Oscar pour The reader. Et si j’ai consacré tant de lignes aux comédiens et aux motivations de Polanski, c’est car il n’y a pas grand-chose à dire du film en lui-même. Polanski a un sens du découpage et du tempo suffisamment aiguisé pour éviter tranquillement tous les pièges du théâtre filmé et faire en sorte de nous divertir en maintenant l’ennui à bonne distance. Mais la mise en scène, aussi réussie soit elle, ne peut rien contre le glissement continu du scénario vers la facilité (la béquille de l’alcool comme désinhibiteur des inclinations et rancœurs enfouies), et l’absence pure et simple d’un troisième acte où le carnage annoncé se produirait pour de bon. Privé de cette concrétisation, d’un passage à l’acte physique de ses intentions verbales, le film frôle l’insignifiance.

Une réponse à “Carnage, de Roman Polanski (France-Allemagne-Espagne-Pologne, 2011)”

  1. pim_pam dit :

    Je suis d’accord avec cette critique. Justement au début du film je me disais « hey..mais attends..c’est pas tourné à NYC quand même ? »
    J’ai trouvé que le film ne disait pas grand chose au final, mais était bien fichu sur le moment.

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