• Cannes, 27 mai : le palmarès redouble

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Sans surprise, Michael Haneke repart de Cannes avec dans sa valise sa deuxième Palme d’Or, pour Amour. Ce film était le seul à avoir fait la quasi unanimité autour de lui, phénomène qui s’est propagé jusqu’au sein du jury – même si là le « quasi » prend toute son importance. Si l’on met bout à bout la déclaration du président du jury Nanni Moretti affirmant qu’aucun des prix n’a été remis à l’unanimité ; son préambule à la remise de la Palme pour souligner la contribution majeure des deux interprètes Jean-Louis Trintignant et Emmanuelle Riva, présents sur scène aux côtés de Haneke ; et l’absence pourtant de ces deux-là au palmarès, devancés par les acteurs d’autres films comptant parmi les favoris (Mads Mikkelsen pour La chasse, le duo féminin d’Au-delà des collines Cosmina Stratan et Cristina Flutur), on peut se dire qu’il s’agit d’un palmarès de compromis, composé avec soin pour satisfaire les partisans de telle ou telle œuvre. Lauréat du prix du scénario en plus de la récompense remise à ses comédiennes, le réalisateur d’Au-delà des collines Cristian Mungiu ressemble ainsi à un deuxième vainqueur de la compétition.

Mais ce qui ressort surtout de ce palmarès est son immense conservatisme. Le changement, à Cannes, c’était l’an dernier, où quatre films de cinéastes présents pour la première fois en sélection officielle avaient été primés. Et l’audace, c’était il y a deux ans avec la Palme offerte à Oncle Boonmee. Ce palmarès 2012 nous renvoie à celui de 2009, autre édition terne, sans exultation – et au sommet de laquelle trônait déjà, en osmose avec l’air du festival, Haneke le sévère[1]. La prime aux habitués a encore plus été de mise cette année : tous les films récompensés sont l’œuvre de réalisateurs déjà repartis de Cannes avec quelque chose. Pire, la majorité d’entre eux est récompensée cette fois-ci à un niveau inférieur ou égal à ce qu’ils ont déjà eu. Haneke, Palme d’Or, et Matteo Garrone, grand prix du jury (pour Reality), sont des récidivistes chacun à son niveau après respectivement Le ruban blanc et Gomorra. Quant à Mungiu, et à Ken Loach (troisième (!) prix du jury avec La part des anges), ils sont eux aussi d’anciens palmés, en 2007 et 2006. Les seuls à recevoir une forme de promotion sont le mexicain Carlos Reygadas, prix de la mise en scène avec Post tenebras lux après un pris du jury pour Lumière silencieuse, et le danois Thomas Vinterberg (ancien prix du jury également, pour Festen) par le biais de son acteur principal Mads Mikkelsen. Dans la lignée d’une sélection qui faisait la part (trop) belle aux « membres du club », c’est là un palmarès qui redouble, un palmarès pour rien. Même si j’ai beaucoup aimé Au-delà des collines, que j’attends avec curiosité de découvrir Reality, et que malgré mes réserves je vois en Amour un film beau et puissant. J’irai le revoir, d’ailleurs, quand il sortira le 24 octobre.

[1] Et, je l’ai déjà écrit et le répète, je n’arrive pas à ne pas trouver ça un peu gênant qu’un réalisateur quel qu’il soit obtienne la Palme pour deux films successifs

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