• Au-delà, de Clint Eastwood (USA, 2010)

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Où ?

Au Max Linder

Quand ?

Dimanche soir, à 21h30

Avec qui ?

Seul

Et alors ?

La disette du mois de janvier a été telle que quitte à aller voir un film ne me tentant que moyennement pour faire gonfler les chiffres (et finir à six films vus en quatre mercredis de sorties, une misère), autant choisir celui mis en scène par un cinéaste de renom… et si Au-delà est effectivement mauvais de manière assez nette, Clint Eastwood n’y est pas pour grand-chose. Tout juste peut-on lui reprocher d’avoir choisi d’utiliser un scénario aussi mal écrit, et de l’avoir filmé au pied de la lettre et sans retouches. Mais qui, entre les mains d’un autre réalisateur moins doué, aurait assurément mené à une catastrophe sans équivalent… L’intrigue se divise en trois parties parallèles et autonomes, centrées chacune sur une personne reliée à l’autre monde, celui des morts. A San Francisco, George / Matt Damon est un médium qui a arrêté d’exercer, en raison du lourd tribut que cette charge lui faisait payer au niveau de son existence personnelle. A Paris, Marie / Cécile de France est une journaliste tentant de réagencer sa vie en fonction de la near death experience qu’elle a eue en vacances en Asie du Sud-Est, lors du passage d’un tsunami dantesque. A Londres, Marcus / George McLaren est un jeune garçon confronté à la perte brutale de son frère jumeau, percuté par une camionnette dans la rue.

On voit déjà à quel point les rattachements des uns et des autres au thème qui donne son titre au film tiennent diversement la route. Le déséquilibre est loin de s’arranger au cours du développement de chaque récit, le scénario faisant le choix d’orienter les histoires de Marie et Marcus afin qu’ils se retrouvent in fine sur la route de George (et dans ce but, le film fait un usage immodéré des « jokers Google »), plutôt que d’approfondir le caractère et le drame intérieur de chacun. Ils sont de simples pions entre les mains de l’auteur, et leurs histoires perdent vite tout intérêt à force de s’en tenir à la surface des tourments, en particulier celui de la solitude. Pour ne rien arranger, leurs articulations sont véritablement mal ficelées, au point de flirter parfois avec le manque de respect à l’égard du public. Ne reste dès lors que George comme personnage véritablement porteur d’une individualité, et des enjeux qui peuvent s’y rattacher. Sa romance sèchement interrompue avec une jeune femme rencontrée à un cours de cuisine, sans qu’aucun des deux ne soit à blâmer, a le dépouillement et l’intensité d’une nouvelle littéraire tragique. La banalité de ce qui s’y joue laisse à penser que ce n’est pas la première fois que le « don » de George se met en travers de son aspiration à une promiscuité partagée et sereine avec autrui. Son histoire déborde alors du cadre de la voyance, pour raconter plus largement et plus simplement comment un excès de savoir et d’intimité devient un obstacle aux relations humaines.

Une fois gérée la nécessité d’exhiber les visions de l’au-delà qu’a George, afin de montrer qu’il n’est pas un charlatan (exercice délicat et dont le cinéaste se sort sans trop de dommages), Eastwood est clairement plus inspiré par cette partie du film que par les autres. Il enferme le physique massif de Matt Damon dans des décors étriqués, et son allure amène dans des tenues et des postures éteintes, et redouble de la sorte le sentiment d’oppression et de fatalité qui pèse sur son personnage. L’atmosphère est atone, ponctionnée de toute vie. Le reste du temps, aux côtés de Marie et de Marcus, Eastwood expédie les affaires courantes. Il se montre tout de même à son avantage lorsqu’il doit se confronter à des séquences outrancières – le tsunami, un attentat dans un métro –, qu’il parvient à traiter avec suffisamment de distance et de doigté pour les rendre supportables, voire même intéressantes. En cantonnant ces événements traumatiques à l’arrière-plan, il en fait des marqueurs de l’ambiance actuelle dans les pays occidentaux, qui avancent de catastrophe en catastrophe avec la certitude morbide, et vérifiée, que la suivante est imminente. Par contre, Eastwood est aussi démuni que n’importe qui quand survient un autre genre de catastrophe, « l’effet papillon » honteusement bâclé qui fait se rejoindre les trois héros dans l’épilogue de Au-delà. Bâclé, et vain : le film s’achève dans un cul-de-sac narratif assez prodigieux.

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