• Cannes, 19 mai : en Asie

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Mes films du jour ont été de bonnes trouvailles, toutes les deux en provenance d’Asie. À la Quinzaine des Réalisateurs, une fois de plus en séance de 9h (demain j’arrête pour de bon – à une exception déjà prévue, jeudi), Ilo ilo d’Anthony Chen est un portrait cinglant, très finement écrit, de Singapour vu par la petite lorgnette (une famille avec fils unique et servante). Il y a probablement une grande part d’autobiographie dans l’histoire, car Chen avait à peu près l’âge de son jeune héros au moment des événements qu’il décrit – la crise économique de 1997. Une crise qui sert de révélateur à l’invalidité du modèle agressif et excessivement ambitieux de développement économique du pays, et des personnages de l’histoire. Un autre facteur se charge de démonter le second pilier de la doctrine de Singapour, la discipline terriblement stricte qui y est appliquée sur tous les plans de la vie de la société. Cet élément perturbateur est la nounou embauchée par les parents du héros, car par sa capacité à inclure une part sentimentale, empathique dans ses relations avec autrui, elle va assez rapidement et involontairement se retrouver à jouer les mères de substitution – juste à côté de la mère véritable. Ainsi pourvu Ilo ilo démonte le système délétère à l’œuvre dans son pays, avec beaucoup de patience et de justesse. Les personnages et leurs rapports sont subtils, et le récit évite les chausse-trappes qui le guettaient, niaiserie des films centrés sur un enfant, rythme paresseux de la chronique d’un quotidien ordinaire. Dans son final, il ouvre même délicatement une porte vers une alternative plus juste : pour espérer être heureux, au lieu de viser trop haut et se faire trop de mal pour y parvenir, il faut commencer par accepter sa place dans le monde et les potentialités qu’elle offre.

Vu en rattrapage Cannes cinéphiles à la Licorne après sa présentation Hors Compétition en séance de minuit, Monsoon shootout est un polar indien rondement mené par son réalisateur Amit Kumar. Au cœur du film il y a un dispositif narratif qui n’a rien de nouveau (un scénario à chemins multiples façon Smoking / No smoking) mais qui est appliqué avec talent. Il réserve ainsi son lot de bonnes surprises, entre le moment où l’on se rend compte de ce qui se passe (au bout d’une demi-heure, une décision culottée) et le coup de grâce final qui nous révèle où le réalisateur voulait nous mener. En prime, il y a aussi une mise en scène au cordeau, une violence sèche et un tempo nerveux qui fondent une ambiance rappelant l’âge d’or du polar hongkongais des années 90, face à laquelle il est bien difficile de bouder son plaisir. De quoi faire de Monsoon shootout une série B accomplie, et dotée d’un regard tranchant sur son pays dysfonctionnel : police et justice corrompues chez les hauts gradés et expéditives sur le terrain, jeunesse privée d’avenir. Avant-hier, Ugly avançait les mêmes accusations, ce qui n’a rien détonnant : son réalisateur Anurag Kashyap a produit Monsoon shootout. Serait-ce là l’émergence d’une nouvelle vague du polar indien ?

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