• VHS Kahloucha, de Nejib Belkadhi (Tunisie, 2006)

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Où ?

A l’Espace Saint-Michel, en face de la fontaine, où le film passait à une unique séance cette semaine…

Quand ?

Vendredi après-midi

Avec qui ?

Seul, au milieu d’une vingtaine de spectateurs dont 2 américaines (qui ont beaucoup ri lors de l’apparition incongrue d’un t-shirt « Don’t mess with Texas » sur un des acteurs
improvisés tunisiens)

Et alors ?

Sorti sur la pointe des pieds au milieu de l’été, et déjà quasiment disparu des écrans (3 séances dans toute la France cette semaine), VHS Kahloucha aurait pourtant dû rencontrer
un immense succès si ces derniers ne dépendaient que des qualités intrinsèques des films. Ce documentaire propose en effet un mélange idéal entre cette passion au second degré du cinéma qui fait
fureur ces temps-ci (cf. Quentin Tarantino, le dieu de cette nouvelle religion) et une plongée intelligente dans
la réalité tunisienne d’aujourd’hui. Ce second point légitime le premier en lui donnant un fond sérieux, et inversement le 1er point rend le 2nd plus accessible en l’agrémentant de rires
décomplexés et joyeux.

Le Kahloucha du titre (Moncef de son prénom) est un peintre en bâtiment de 45 ans, qui officie dans l’arrière-pays zonard et inconnu des visiteurs de la pourtant courue station balnéaire de
Sousse. Les VHS sont le support sur lequel il tourne et fait circuler ses films, aussi cultes parmi les habitants de son quartier que totalement inconnus ailleurs. Dernier opus en date :
Tarzan des arabes, mix improbable de l’homme-singe, du désert tunisien et d’un film de gangsters. On suit toutes les étapes de la production et de la diffusion du film, étapes au cours
desquelles Kahloucha est omniprésent et dictatorial comme un vieux maître d’Hollywood : casting, achat des accessoires au souk, tournage à une caméra, projection sur une télé 36 cm du bar du
coin… Kahloucha est une métaphore ambulante du cinéma comme art total qui ingère tout, demande tous les sacrifices au nom d’une vision supérieure. Il se bat en slip et en perruque contre un
loup empaillé le long d’une voie ferrée, se taillade le bras pour barbouiller un acteur de sang, utilise ses économies pour acheter des meubles qu’il va immédiatement saccager, met le feu à
l’appartement de sa sœur… La passion du cinéma aura rarement autant habité un homme, et le regard attendri et surtout amusé (rire des excès de Kahloucha, comme le film le fait beaucoup, est le
meilleur des hommages à lui rendre) de Nejib Belkadhi en est un beau vecteur.

En plus de cela, VHS Kahloucha montre en quoi cette folie créatrice est nécessaire, car salutaire pour tout un quartier et même au-delà, jusque chez les émigrés clandestins en
Italie. Comme un film de Capra, VHS Kahloucha
décrit crûment les conditions de vie difficiles – chômage, pauvreté, poids des traditions, difficultés de la vie de sans-papier dans un pays étranger – de ces tunisiens modestes aujourd’hui, et
leur oppose non pas une réponse mais un exutoire. Moncef Kahloucha est le James Stewart inattendu de tous ces gens, faisant bouger peu à peu les mentalités sexistes (en embauchant des femmes de
quartier indépendamment de leurs maris), changeant la vision que les habitants peuvent avoir de leur quartier (en y recréant des fictions hollywoodiennes), offrant un rayon de soleil à ceux qui
sont loin de chez eux et mettant un grand sourire heureux sur le visage de tous.

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