• Très bien, merci, d’Emmanuelle Cuau (France, 2007)

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Où ?

 

À la maison, en DVD

 

Quand ?

 

Lundi soir

 


Avec qui ?

Seul, pour me refaire une idée de ce film qui m’avait agréablement marqué lors de sa sortie en catimini en avril dernier

 


Et alors ?

 

Comme l’annonce en filigrane le titre, Très bien, merci tente de répondre par l’exemple à une question : comment ça va, la France ? La réponse n’a rien
d’un lourd pensum, et tout d’une comédie piquante, voire même corrosive sans avoir l’air d’y toucher.

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Pour exposer son diagnostic, la réalisatrice Emmanuelle Cuau nous place aux côtés d’un couple parisien somme toute commun, une sorte d’échantillon représentatif. Ils habitent un quartier
populaire de Paris, ont la trentaine bien avancée, et pas d’enfant. Elle (Béatrice – Sandrine Kiberlain) est chauffeur de taxi, lui (Alex – Gilbert Melki) comptable anonyme dans un bureau anonyme
d’une PME… anonyme. Peut-être à cause de cette non-importance, ou pour d’autres raisons inconnues, Alex adopte une attitude singulière, voire marginale : il s’obstine à continuer de fumer,
range compulsivement son bureau, ne s’incline devant aucune forme d’autorité. Toutes ces petites choses déviantes resteraient sans gravité, si en face le système garant de l’autorité n’avait pas
échappé à tout contrôle humain. Lorsqu’il s’arrête en pleine rue afin d’observer le déroulement d’un contrôle d’identité, par curiosité plus que par provocation, Alex ne peut se douter des
conséquences du dialogue de sourds irrationnel et insoluble qu’il va enclencher avec les policiers. Pour commencer, une nuit au poste dans un commissariat « sans
commissaire » 
; puis, devant son souhait d’obtenir des explications, un placement en hôpital psychiatrique par le visa d’un médecin qui ne l’a même pas examiné. Quelques jours plus
tard, une fois déclaré guéri aussi arbitrairement qu’il avait été déclaré malade, il sera libéré sans suivi d’aucune sorte.

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Cet enchaînement halluciné et hallucinant est joué et observé avec le calme le plus glacial qui soit. La première réaction est de trouver cela effrayant, mais il devient vite évident que le but
du film est de nous faire rire. Ce rire n’est cependant pas gratuit, tiré de force par des clins d’œil appuyés ou un glissement dans le burlesque. Il vient entièrement du spectateur, que la
cinéaste imagine capable de comprendre de lui-même l’absurdité inextricable de cette situation, de notre situation où tout le monde marche sur la tête. « Chacun à sa place »
est la maxime adoptée par tous pour justifier qui son inaction, qui son autorité mise à mal. Comme pour l’œuf et la poule, il est impossible de savoir qui a commencé entre une société qui
persécute, brime et ne répond plus aux questions, et des citoyens qui se braquent dans des postures de rébellion stérile à la moindre situation conflictuelle. L’évolution réelle du pays ces
derniers mois rejoint malheureusement la fiction sur ce point, et fait du film un témoignage chaque jour plus pertinent de ces sourdes dérives.

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Tout n’est pas parfait dans Très bien, merci : les interludes représentés par les discussions entre Béatrice et les différents clients qu’elle prend dans son taxi
sont inégaux, certains ont du mal à convaincre. Par ailleurs, la seconde moitié du récit, qui suit Alex dans sa recherche d’un nouvel emploi jusqu’à une amorale pirouette finale, contient un trou
d’air d’une vingtaine de minutes où le ralentissement du rythme et l’étirement des situations ne cadrent pas avec le reste du film, très épuré et n’hésitant pas à jouer – avec talent – de
l’ellipse. Mais cela n’empêche nullement le film d’atteindre son but, et de marquer durablement les esprits par son intelligence, son humour et sa tranquille assurance.

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