• The one and only season of Freaks and geeks, de Paul Feig et Judd Apatow (USA, 1999)

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Où ?

A la maison, en coffret DVD zone 1 acheté aux USA (l’objet est introuvable en France, ou bien en import hors de prix)

 

Quand ?

De Février à Avril

 

Avec qui ?

Ma femme

 

Et alors ?

 

Certaines séries ne sont pas faites pour survivre. Récemment, le cas du Firefly de Joss Whedon a été a posteriori assez largement médiatisé, à la hauteur du mépris exprimé par la
chaîne productrice (la Fox) à l’égard de la série, laquelle fut annulée au bout de douze épisodes et diffusée dans la confusion la plus complète. Le mélange des genres (toute une gamme balayée,
du western à la science-fiction) concocté par Whedon, l’amoralité et la maturité de ses personnages ont été imposés de manière beaucoup trop frontale et immédiate aux diffuseurs – là où Lost, qui en est aujourd’hui à un stade comparable en
termes de complexité et d’ambitions scénaristiques, a su prendre son temps et commencer par avancer masquée.

 



Quelques années encore avant Firefly, Freaks and geeks a été un autre exemple éclatant de série sanctionnée pour son
trop-plein d’intelligence et d’aspirations. Quelle idée, en effet, que de vouloir conter le vrai quotidien, de vrais ados, dans un vrai environnement américain, à partir de ses propres souvenirs
d’enfance et en se maintenant aussi loin du vernis édulcorant des sitcoms que de la dramatisation exacerbée pratiquée – brillamment – par Gossip girl ! Tout ce que Freaks and
geeks
y a gagné est une suppression des ondes à l’issue du dix-huitième épisode. La bande à Apatow, si triomphante depuis quelques années (En cloque mode d’emploi, Pineapple express), avait donc démarré là sur un échec ;
aux côtés de Judd Apatow lui-même, co-créateur de la série, on retrouve en effet de tous jeunes Seth Rogen, Jason Segel, James Franco.

 

Freaks and geeks se déroule en 1980, dans un coin paumé du Michigan, État paumé des USA : la ville (fictive, mais on ne peut plus réaliste) de Chippewa, ses bancs de
résidences pavillonnaires monotones, son lycée dans la moyenne. Dans l’enceinte de ce dernier, on va suivre plus particulièrement comme l’indique le titre du show deux groupes d’élèves, les
freaks et les geeks. Cette seconde dénomination est entrée dans le langage courant maintenant que les premiers des geeks ont atteint l’âge adulte, et qu’ils se trouvent
à la pointe de la société sur tout ce qui a trait aux nouvelles technologies. Dans Freaks and geeks, ces geeks en sont encore à leur préhistoire : les consoles
Atari, Star wars et Steve Martin, les jeux de rôles Donjons & Dragons. Ils ont treize – quatorze ans, et sont la risée du lycée. L’autre groupe de désaxés, celui des
freaks, inspire plus la crainte que la moquerie chez les tenants de la normalité. Ils font partie des « grands » (seize – dix-sept ans), boivent et fument de tout, font l’amour
(shocking !) et méprisent l’école et ses soi-disant débouchés.

 

 

La série navigue entre l’un et l’autre de ces deux ensembles, avec le plus souvent une intrigue pour chaque comme fils directeurs d’un épisode. Les passages obligés de l’adolescence (premiers
rendez-vous amoureux, clashs avec les parents vieux jeu ou trompeurs) et des rituels lycéens (la cantine, le conseiller d’orientation, la corvée des cours de sport) forment le gros de la matière
des scénarios ; mais si la série ne surprend donc que rarement, elle ne déçoit par contre tout simplement jamais. Les auteurs parviennent à transformer leur nostalgie personnelle en vecteur
de celle du spectateur (et oui, nous avons tous été ados), par un miraculeux mélange d’empathie envers tous les personnages, sans exception – la marque de fabrique des comédies à succès d’Apatow
-, de simplicité des intrigues et de leur mise en scène, de dosage entre le rire et l’émotion. Freaks and geeks est une série qui ne triche jamais, ne forçant pas la main au
spectateur et ne reculant pas face aux difficultés. Les gags hilarants peuvent ainsi s’effacer, et le tempo comique soutenu s’adoucir sans à-coups, dès que cela devient nécessaire pour accorder
du temps à des sujets délicats tels que la difficulté de vivre dans un foyer complètement dysfonctionnel (l’épisode 4, Kim Kelly is my friend, véritable coup d’envoi de la série
qui rend sympathique en un tour de main un personnage jusque là horripilant), la découverte de la relation adultérine menée par un père que l’on idolâtrait (épisode 12, The garage door),
la condition sexuelle ambiguë d’une nouvelle petite amie (épisode 17, The little things)…

 



La qualité des récits se double de celle de l’interprétation. C’est certainement là la clé de la réussite de la série : puisque, chose rarissime aux USA, aucun des personnages n’est ne
serait-ce qu’un minimum exagéré, les comédiens se doivent tous, sans exception, d’être irréprochables. Et ils le sont, qu’ils aient eu une belle carrière après (James Franco, qui n’a jamais eu un
rôle aussi fort que celui de cet ado aussi irrésistiblement beau qu’il est à la dérive) ou non. En en oubliant forcément, citons dans cette seconde catégorie les adultes Joe Flaherty, Becky Ann
Baker et Dave Allen, et les jeunes John Francis Daley, Martin Starr, et Samm Levine – ce dernier sera prochainement à l’affiche de Inglourious Basterds (Quentin Tarantino
aurait-il lui aussi acheté le coffret de l’intégrale de Freaks and geeks ?). Grâce à tous ces acteurs, grâce à leur personnification des souvenirs et trouvailles de Judd
Apatow et Paul Feig, Freaks and geeks se range parmi ce que la télévision américaine nous a offert de plus doux(-dingue) et de plus sensible.

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