• The mission, de Johnnie To (Hong Kong, 1999)

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Où ?
A la cinémathèque, où s’est ouvert un court cycle (un mois) consacré au réalisateur-producteur qui porte à lui seul le cinéma de HK depuis la rétrocession à la Chine en 1997. une discussion d’une
heure entre le cinéaste et la salle a eu lieu après la séance.

 


Quand ?

 

Mercredi soir

 


Avec qui ?

 

Seul

 


Et alors ?

 

Déjà croisé sur ces pages l’été dernier à l’occasion de la sortie en salles d’Exilé (qui s’est trouvé une belle place dans le top
10 de 2007
), Johnnie To se voit offrir l’honneur ce mois-ci d’un hommage à la Cinémathèque Française. Laquelle institution est sur ce coup on ne peut plus en phase avec l’actualité,
puisque 2 films distribués en janvier dernier et auxquels To a participé comme producteur (Filatures) ou coréalisateur (Triangle) sont programmés en fin de cycle.

 

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En ce qui concerne l’ouverture du cycle, le choix de The
mission
s’imposait comme une évidence. C’est en effet ce long-métrage, bien que tourné en 18 jours sans argent ni scénario, qui a fait basculer le cinéaste de son anonymat d’artisan
solitaire dans le Hong Kong d’après la rétrocession à un statut d’auteur influent dans son genre et reconnu mondialement. The mission combine avec une vraie grâce les 2
éléments fondateurs et complémentaires du style de To, qu’il a lui-même explicités au cours de la discussion qui a suivi. D’un côté, l’homme est doté d’un grand pragmatisme qui le rend ouvert aux
attentes du public (d’où le choix du polar, le genre le plus populaire à Hong Kong) et le fait tirer ses intrigues de l’observation d’individus réels – ses flics et gangsters y gagnent l’humanité
qui fait d’eux bien plus que des pions stéréotypés. Les 5 gardes du corps du chef d’une triade qui forment le groupe de héros de The mission sont l’exemple parfait de la
réussite de cette méthode. Interprétés par un rassemblement d’acteurs homogène et au capital sympathie immédiat, ces 5 hommes nous sont familiers en quelques minutes, et leurs personnalités,
leurs blagues, leur amitié sont en permanence maintenues au cœur du récit, occultant peu à peu l’intrigue minimaliste et secondaire.

 

Johnnie To est aussi un véritable artiste cinématographique : au sein de ce cadre clairement défini qu’est le polar masculin, il donne toujours la priorité à son imagination et à sa
sensibilité visuelle par rapport à toutes les autres considérations. C’est dans une telle obsession que peut s’épanouir un style, et l’acte de naissance du style Johnnie To se trouve dans
The mission, lors d’une fusillade dans un centre commercial. Ou plutôt lors de l’attente de cette fusillade, puisqu’entre la découverte de l’embuscade et le
déclenchement des hostilités le temps est suspendu, et le médium cinématographique exacerbé. La pose prise par les acteurs (immobiles) et la caméra (aux cadrages plus travaillés et jubilatoires
les uns que les autres) est contrebalancée par un humour décalé et une musique insouciante pour créer un ensemble unique, un bonheur de moment de cinéma.

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Avec sa nonchalance scénaristique et son ambition formelle bravache et couronnée de succès, The mission devient ainsi sans crier gare un mini A bout de souffle, une perle rare étincelante. Comme Godard en son
temps, Johnnie To fait l’éloge espiègle d’une inutilité portée au sublime : inutilité du récit, du suspense, des rôles secondaires croisés en route… jusqu’à la possible inutilité du film
lui-même, dans un mélange de modestie et d’orgueil aussi indéchiffrable que délectable.

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