• The crazies, de George Romero (1973) et Breck Eisner (2010)

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Où ?

A la maison

Quand ?

La semaine dernière

Avec qui ?

Seul

Et alors ?

 

La version 2010 de The crazies est un concentré des potentialités et des regrets que portent tous les exemples de la vague actuelle de remakes de films d’horreur des
années 1970. Sa première demi-heure est ainsi sans faille. Sur le thème dont il a hérité, d’une folie se diffusant tel un virus indétectable au sein de la population d’une petite ville rurale, le
réalisateur Breck Eisner se distingue par : de bonnes idées horrifiques (l’assaut du médecin légiste armé de sa scie circulaire), une capacité à composer des plans superbes (une
moissonneuse-batteuse dans la nuit noire, en contre-plongée), de beaux enchaînements entre les montées de suspense et les explosions de violence. Et, surtout, par le rythme haletant qu’il
insuffle au récit dans ce premier acte. Il ne perd aucune minute à s’attarder sur l’exposition des personnages ou des situations qui serviront par la suite, et nous projette immédiatement dans le
vif du sujet. Ainsi placés, nous prenons de plein fouet la propagation fulgurante du virus, sans mise en garde ni préparation préalable ; exactement comme la subissent les héros. Lesquels
existent malgré tout, par leur capacité de réaction et leur intelligence situationnelle – ainsi le raisonnement du shérif qui le conduit à prendre l’initiative de couper l’alimentation en eau
pour bloquer le probable principal vecteur d’infection.

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Mais au bout de cette demi-heure, et de façon incompréhensible, le film balance tout ça par-dessus bord en faisant débarquer l’armée, qui prend le contrôle de la ville et place tous ces habitants
en quarantaine ; puis, encore plus fort, en se débarrassant de cette encombrante présence surpuissante par une succession d’événements ridiculement artificielle. Après quoi le scénario ressemble
à un terrain ravagé au napalm, où plus rien de valable ne repousse. Seul subsiste un affrontement à trois bandes (le quatuor de héros, les zombies crazies, l’armée) décalquant sans
imagination aucune le jeu Resident evil 2, qui n’était pas le meilleur de la série mais le plus bourrin. Une caractéristique qui, en film, est forcément beaucoup moins intéressante qu’en
jeu vidéo… Comme tous ses cousins remakes, The crazies n’a donc pas pu s’empêcher, à un moment de son récit, de sacrifier à l’impact immédiat – mais surtout
illusoire – de l’effet facile toutes les qualités fonctionnant sur le long terme du sujet d’origine. La pirouette gratuite et aussitôt vue, aussitôt oubliée qui sert de final en lieu et place
d’une conclusion digne de ce nom (en tous points similaire à celle de  La dernière maison sur la gauche, donc) est le
point d’orgue de ce processus de dissolution radicale.

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On ne s’étonne alors pas qu’il faille moins de dix minutes au long-métrage de référence de Romero (l’auteur de la longue saga des morts-vivants, pour mémoire) pour ridiculiser son successeur. Il a beaucoup moins d’argent, certes, mais il est
aussi autrement plus crédible et franc. La scène du père brûlant sa maison avec sa femme et ses enfants à l’intérieur est bien meilleure, de même que la présentation du couple de héros dans leur
intimité. C’est encore le cas de l’introduction de l’armée dans le récit, qui fonctionne car elle n’est pas emmurée dans l’obligation moderne de dérouler la litanie de mensonges, théories du
complot et autres manipulations de populations allant soi-disant automatiquement de pair avec l’armée.

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Après quoi le film rentre dans le rang, en particulier car il est trop long par rapport à ce qu’il est réellement en mesure de soutenir sur tous les plans : réflexion thématique, psychologie des
personnages, spectacle. Mais The crazies nous tient en haleine par son alternance permanente entre deux points de vue, celui de l’armée qui tente de juguler l’épidémie
et celui des héros qui tentent de s’en sortir par eux-mêmes. Ces deux positions correspondent à deux stratégies de survie : celle conçue à l’échelle de la société, avec tout ce que cette pensée
globale entraîne de lourdeurs, d’injustices, et de dommages collatéraux ; et celle envisagée à l’échelle d’individu, plus réactive et plus entière mais aussi plus égoïste aussi car elle ne vise à
la survie que de quelques uns, en mettant forcément en danger celle des autres. Intellectuellement, l’opposition est tout à fait stimulante. Elle se fait sans désigner de méchants, et en montrant
au contraire comment chacun pense faire ce qui est le mieux. Il est difficile de donner tort à un camp ou à l’autre dans ce ping-pong incessant, mais malheureusement Romero trébuche dans la
dernière ligne droite. Il ne fait qu’évoquer là où mènerait la radicalisation à l’extrême de chaque camp (pour la société, l’emploi de la bombe atomique pour raser la ville ; pour les individus
solitaires, le fait de tirer à l’aveugle sur tous ceux qui croisent leur chemin, à dessein ou non) ; puis il revient sur la voie d’une conclusion plus médiane, faisant plus la part des choses –
autrement dit, plus molle. On reste donc sur sa faim, mais ce n’est rien du tout à côté du sentiment de s’être fait insulter que donne le remake.

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