• Scarface, de Howard Hawks (USA, 1932)

Je like cet article sur les réseaux sociaux de l'internet!

Où ?
À la cinémathèque, où vient de démarrer une rétrospective complète des films de Howard Hawks, qui va durer jusqu’au 5 février prochain. Avec du coup plein de pépites à (re)voir : Rio Bravo, L’impossible M. Bébé, La captive aux yeux clairs, Le grand sommeil… et bien sûr, ce Scarface.


Quand ?

Dimanche soir (le film repasse le dimanche 6 janvier à 19h)


Avec qui ?

Monsieur « Rush hour 3 », et mon collègue de cinémathèque


Et alors ?


Howard Hawks n’a que 36 ans (mais déjà une dizaine de films à son actif) quand il balance Scarface à la face de l’Amérique. 75 ans de films de gangsters, d’ultraviolence de plus en plus graphique et de perfectionnement des techniques de mise en scène plus tard, cette biographie officieuse d’Al Capone peut sembler quelque peu émoussée, mais la définition qu’elle donne des règles du genre reste tout à fait actuelle, et son application pleine de fureur. Scarface est rien de moins que le premier film à avoir pour seul personnage principal un gangster (Tony Camonte, joué par Paul Muni), sans héros policier d’égale importance pour lui faire face, et à lui donner une existence étoffée comme s’il s’agissait de n’importe quel personnage « fréquentable ». Vers la moitié du film, dans un plan d’une soudaineté inattendue (comme beaucoup d’autres), Tony tire à la mitraillette face caméra, comme s’il tirait sur nous, spectateurs – ce plan exprime mieux que tous les discours les intentions de Hawks, qui tire lui aussi à la mitraillette sur le public.

Sa mise en scène est en effet rythmée, saccadée par 2 rafales ininterrompues : l’une sonore, avec des dialogues et des bruitages qui emplissent tout l’espace (Hawks pousse la technique du cinéma sonore de l’époque dans ses retranchements) ; l’autre visuelle, à base de poursuites en voitures et de règlements de comptes de plus en plus violents, que le montage fait s’enchaîner sans respiration. La sécheresse du regard et l’évidence du récit qui resteront jusqu’au bout les marques de fabrique de Hawks (cf. Rio Bravo) sont d’ors et déjà parfaitement matures, et en parfaite adéquation avec cette histoire qui ne parle que de sang et de sexe (via les 2 jeunes femmes, une brune et une blonde, objets de désir physique dénué de tout amour).

Aujourd’hui, l’équivalent de ce Scarface serait un mélange de récit documentaire et de second degré ultraviolent à la Tarantino. Hawks accompagne en effet sa litanie d’exécutions et de vengeances sauvages d’un humour parfaitement assumé. Les mafieux sont tous à des degrés divers des idiots, et Hawks se moque ouvertement de leur incapacité à réfléchir, être socialement crédibles ou élaborer des plans un mininum évolués. Dans le même temps, il décrit leur toute puissance sur la ville, et le décalage obtenu (un cerveau est inutile quand on a un flingue pour devenir un caïd) est assez terrifiant. Comme Tarantino, ou De Palma (2 des réalisateurs contemporains à se référer ouvertement à lui), Hawks insuffle du second degré dans le récit, mais aussi dans la mise en scène elle-même. Certains détails gratuits insérés dans le film, et qui viennent commenter ironiquement l’action, posent les bases du « méta-cinéma » largement développé par ces 2 disciples : le panneau publicitaire « The world is yours » (une idée de cinéma tellement parfaite que De Palma la reprendra presque telle quelle dans son remake de Scarface), ou encore les ‘X’ qui viennent discrètement balafrer le cadre à chaque fois que quelqu’un est descendu par Tony.

Enfin, une petite anecdote pour montrer à quel point la stupidité des gangsters du film n’a pas été exagérée par rapport à la réalité : alors que le film était en cours de tournage, 2 mafieux allèrent rendre visite au scénariste Ben Hecht pour se plaindre – comprendre : pour casser quelques genoux – des rumeurs voulant que le film soit une biographie d’Al Capone (ce qu’il est). Hecht répondit que c’était faux, et que cette rumeur n’était qu’un plan marketing pour que le film marche mieux. Et les hommes de main repartirent, satisfaits de la réponse…

Les commentaires sont fermés.