• Rocky Balboa, de Sylvester Stallone (USA, 2006)

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Où ?

Dans le train vers l’Aveyron pour fêter Noël, en DVD zone 2.

Quand ?

Vendredi dernier

Avec qui ?

Seul

Et alors ?

Si Rocky Balboa mérite sa place dans mon top 10 de l’année, c’est parce qu’il ne s’agit en rien d’une banale suite ou d’un revival souffreteux – ce que, soit dit au passage, le John Rambo qui nous attend en 2008 risque bien d’être. Rocky Balboa est un film porté d’un bout à l’autre par une rage déchirante, un cri de révolte contre la mise au ban de tous les laissés pour compte de la société moderne que sont les vieux, les pauvres, les sans diplômes et d’autres encore. Et ce que Stallone fait, c’est mettre son propre cas (en tant que Rocky et que cinéaste) au service de ce cri.

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On peut même aller jusqu’à dire que Stallone sacrifie l’icône Rocky pour ces gens – d’où sûrement le fort rejet qu’a engendré le film chez nombre de personnes. La dramaturgie du film de boxe classique (l’outsider contre le favori, la lutte contre les éléments, le dépassement de soi…) est complètement désamorcée en seulement 2 scènes de « méta-dialogues ». La première traite des vraies motivations derrière le combat, une exhibition mise sur pied par les agents d’un champion sans charisme dans le simple but de multiplier les retombées médiatiques. La seconde concerne les faiblesses de Rocky (d’ailleurs, heureusement que **spoiler** celui-ci perd à la fin ! Le contraire aurait tout fichu par terre), énoncées sans ménagement pour le fol espoir du spectateur.

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Evacuant ainsi la boxe, Stallone prend le temps de dresser un portrait sans oeillères de la misère cachée du capitalisme triomphant : les quartiers délabrés, les quinquas qui bossent nuit après nuit à l’abattoir (et se font virer en une seconde), la vieille gloire dont on attend des poses et des récits mais surtout pas de retour à l’action. De cette face honteuse, la société du clinquant semble n’attendre que la mort – Rocky Balboa s’ouvre et se ferme d’ailleurs au cimetière. En tant qu’acteur, Stallone ne se donne pas de passe-droit au détriment de la cohérence du récit : son personnage a la gueule cabossée, est un peu stupide avec un vocabulaire limité, et n’a que son énergie intérieure pour lui. Et ce n’est d’ailleurs même
pas vraiment lui qui tient le rôle clé, mais plutôt la mère célibataire qu’il prend sous son aile.

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La revanche pour tous ces gens est dans l’existence du combat entre Rocky et le champion, dans la démarche de le faire arriver (soit le même principe mobilisateur que dans La graine et le mulet, mais oui !). Cette revanche prend une forme cinématographique, puisque Stallone donne une lumière et une musique (les insurpassables thèmes originaux de Rocky) magnifiques aux pauvres, alors que « chez les riches » le monde est sans âme, sans chaleur. Les personnages de cet autre monde sont agressés avec violence et acuité par le scénario, qu’il s’agisse de l’adversaire de Rocky et de sa cour, ou de cette scène étonnante où tous les clients d’un bar chic s’extasient devant un combat de boxe virtuel. Pendant le combat final, la mise en scène joue aussi sur l’opposition de styles : après un début filmé selon standards arides d’aujourd’hui (des plans neutres télévisuels siglés du logo d’une chaîne du câble), Stallone reprend le contrôle en même temps que Rocky. Via la musique, le montage, les filtres, la rage est mise à l’écran, celle des pauvres contre les riches, des oubliés contre les installés. Leur revanche est éphémère, modeste, mais elle existe. Et elle nous bouleverse jusqu’au fond des tripes pendant une heure et demie.

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