• Rien dans les poches, de Marion Vernoux (France, 2008)

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Où ?

Sur mon PC, avec la VOD Canal +

Quand ?

Vendredi soir et samedi matin

Avec qui ?

Ma femme

Et alors ?

Réalisatrice talentueuse de films délicats (en particulier du superbe Love, etc.) et possédant une réelle identité propre, Marion Vernoux passe pour son dernier projet en date du
cinéma à la télévision – ce qui, même sur Canal + et même avec un casting de choix a forcément des airs de relégation à un niveau inférieur pour cause d’échecs commerciaux. Dans ce mariage de
raison, Marion Vernoux apporte ses hautes ambitions scénaristiques – deux décennies de la vie d’une femme, de ses 18 ans en 1980 à ses 40 ans en 2002 – et la télévision les moyens matériels de
les réaliser… mais des moyens limités.


Énième déclinaison d’une certaine infériorité française face à l’excellence des productions américaines, Rien dans les poches « fait télé » en permanence. Il n’est pas
question ici de critiquer les choix de mise en scène de Vernoux (qui a toujours été plus dans la simplicité que dans la virtuosité), mais de pointer du doigt un aspect low cost dans les
décors étriqués, la lumière faite à la va-vite, la surcharge d’images d’archives pour dater les époques successives. Tout cela tire le film vers le bas, vers l’anonymat des programmes produits et
diffusés à la chaîne. On peut en dire de même pour les ficelles mélo toujours un peu grosses de ce récit au long cours (2 parties d’1h50 chacune), bien qu’il semble plutôt s’agir là d’une
malhabileté de la cinéaste et scénariste à bien en posséder les codes et la portée. La succession d’événements séparant ou opposant l’héroïne Marie et sa fille Esther, à tous les âges de la
seconde, sonne ainsi plus comme un quelconque soap-opera que comme les réussites poignantes de Douglas Sirk.


Malgré ces faiblesses, on reste volontiers devant son téléviseur (ou son ordinateur) pendant ces quatre heures passées en compagnie de Marie – plus volontiers en tout cas que les quatre autres
heures récemment subies aux côtés de Mesrine. Contrairement à
Richet qui nous maintenait en permanence en lointain spectateur des affres de son personnage, Vernoux parvient à nous lier émotionnellement à son héroïne, de l’adolescence à la maternité et de la
gloire éphémère de la chanson à la déprime de la télé-poubelle, de Paris à la banlieue et de Mitterrand à Chirac. Si l’on peut regretter que Marie et son petit monde soient un peu trop maintenus
à l’écart des événements de la « grande » histoire, l’évolution des lieux et des modes de vie est pour sa part joliment retranscrite dans des petits détails du quotidien. La deuxième
moitié donne également un beau second souffle au film, soudainement bien plus inspiré lorsque vient le temps des désillusions et de la compréhension que la nouvelle génération se construit contre
la votre et non pas dans la continuité.


Et si le mélo ou le milieu de la musique (le mélange des deux étant par exemple mieux exploité dans Clean ou Les jolies choses) ne sont pas encore trop sa tasse de thé, Marion Vernoux s’illustre par contre dans le
portrait de groupe. Lequel est montré avec justesse sous ses deux facettes : protecteur dans les coups durs, mais aussi potentiellement nuisible en coupant l’héroïne du monde et en lui donnant un
faux sentiment d’invulnérabilité. C’est dans cette ambiguïté flottante que l’on retrouve la qualité d’écriture de la cinéaste, et que s’épanouissent les personnages les plus marquants. Marie bien
sûr, qui offre enfin à Emma de Caunes un rôle solide de femme sortie de l’adolescence ; mais autour d’elle, les rôles que l’on retient sont surtout des hommes appartenant à un trio déviant – Rita
le travesti, Nader l’homosexuel et Pierre l’alcoolique. Que ces 3 personnages soient interprétés par des acteurs aussi géniaux que Alain Chabat, Samir Guesmi et Julien Honoré (le premier connu, les deux autres pas
assez) n’y est assurément pas pour rien.

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