• Réponse à une (vieille) question

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C’était il y a presque un an (en novembre 2007), et c’était un film passé relativement inaperçu : Le royaume, de Peter Berg, qui racontait l’expédition punitive d’une équipe
du FBI en Arabie Saoudite suite à un attentat perpétré contre des américains résidant là-bas. Dans ma chronique relative au film, j’y posais la question de savoir si la hardiesse dont ce dernier fait preuve, dans sa peinture ambigüe de la puissance et de
la doctrine américaines, était volontaire ou juste au petit bonheur la chance. Le commentaire audio du réalisateur sur le DVD qui vient de sortir apporte comme on pouvait l’espérer une réponse
assez claire : il y a derrière Le royaume une volonté franche de la part du scénariste Matthew Michael Carnahan de mettre en doute la stratégie de son pays, lequel a été
suivi avec à peine moins d’entrain par les autres participants au long-métrage.

Le commentaire de Peter Berg est déjà agréable à suivre car modeste (il abandonne volontiers la paternité des scènes d’action aux spécialistes du genre qui l’ont épaulé, lui le complet novice en
la matière), sympathique, et évitant aussi bien les anecdotes superflues que la langue de bois inutile. Certes, il ne pousse pas certaines de ses pensées jusqu’à leur terme, par manque de recul
par rapport à la vision américaine « officielle » du monde : il considère l’impérialisme culturel de son pays comme une bonne chose, et a du mal à ne pas voir les troupes
américaines comme étant intrinsèquement, et quoi qu’elles fassent, les good guys. Mais la plupart des temps, ces interventions font apparaître une vraie intelligence couplée à un désir
d’aller au-delà de la surface des choses. On le voit dès le départ lorsqu’il parle des zones résidentielles privées, ultrasécurisées et coupées du reste du pays dans lesquelles les ingénieurs
pétroliers américains vivent en Arabie Saoudite, et on est définitivement convaincu lorsqu’il lâche « Ce n’est pas par la violence que l’on règlera ces problèmes » vers la fin.

Dès lors, les modifications apportées au script original de Carnahan que Berg détaille sans honte sonnent plus comme un souci de positiver que d’édulcorer. On apprend que l’ambition de Carnahan -
lequel grimpe du coup dans mon estime – était de décrire un cycle de violence entre extrémistes des 2 camps américain et islamiste, sans autre issue que sa propre continuation avec comme résultat
toujours plus de victimes. Certaines inflexions apportées par Berg et ses collaborateurs (la psychologie de certains protagonistes, une fin non plus nihiliste mais « simplement »
désabusée) ouvrent une 3è voie, symboliquement portée par 2 personnages arabes et non américains. Il s’agit de 2 policiers saoudiens, interprétés par les acteurs palestiniens du film
Paradise now et traités avec autant d’égards à l’écran que les stars hollywoodiennes, qui choisissent de coopérer contre les terroristes avec les américains, dans une relation
d’égal à égal et non de soumission avec ces derniers. Ce choix d’angle d’observation n’exempte pas Le royaume de tous reproches, mais le film y gagne un point de vue singulier,
plus complexe et réaliste, qui mérite que l’on s’y attarde, avec un œil attentif.

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