• Ponyo sur la falaise, de Hayao Miyazaki (Japon, 2008)

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Où ?

Au MK2 Beaubourg

 

Quand ?

Lundi soir

 

Avec qui ?

Ma femme, pour une sortie ciné express (séance à 21h35, départ de chez nous à 21h20, arrivée dans la salle à 21h40)

 

Et alors ?

 

Le statut de vétéran, quand on est cinéaste, semble s’accompagner d’une épuration du style, d’un virage vers un certain effacement de la mise en scène au profit d’une plus grande limpidité du
récit. Depuis le début de l’année, Clint Eastwood (Gran
Torino
) puis Claude Chabrol (Bellamy) ont fait étalage de cette orientation embrassée depuis maintenant plusieurs films, et désormais pleinement maîtrisée. Le cas de Hayao
Miyazaki est proche, mais le réalisateur japonais possède tout de même sa spécificité en cela qu’il s’exprime au travers d’images dessinées et animées plutôt que réelles. Dès lors, son retour
vers l’enfance de l’art se double d’un retour à l’enfance tout court. Après les longs-métrages de plus en plus complexes, foisonnants et impressionnants techniquement que furent Princesse
Mononoke
, Le voyage de Chihiro et Le château ambulant, c’est bien cela qui saute en premier lieu aux yeux dans Ponyo sur la falaise :
la simplicité enfantine, presque naïve du dessin, et le minimalisme des moyens mis à contribution. En cette année charnière au cours de laquelle tous les mastodontes hollywoodiens exhibent leurs
muscles et leur premier dessin animé en 3D, Miyazaki ne pouvait leur opposer pied de nez plus brillant que ce film où seul le strict minimum de chaque plan est animé, où décors et personnages
sont croqués a minima – et où tout cela génère un émerveillement de formes, de couleurs, de déplacements tout bonnement inouï.

 



Cela faisait près de vingt ans, depuis Kiki la petite sorcière et Mon voisin Totoro, que Miyazaki n’avait pas enchanté de manière aussi certaine le monde. Depuis,
ses films se déroulaient dans un univers merveilleux distinct du notre, auquel les personnages appartenaient d’office (Mononoke) ou dans lequel ils pénétraient sans trop savoir comment en
repartir (Chihiro). Dans Ponyo sur la falaise, c’est le merveilleux, ici sous-marin, qui s’introduit dans le monde réel, entraînant comme unique réaction de la part de celui-ci
une acceptation de la magie et de la différence confondante de sérénité. Une scène en particulier illustre cet état d’esprit paisible et radieux : lorsque l’héroïne Ponyo, poisson devenu
humain pour rejoindre le jeune garçon Sosuke, atterrit devant la maison de celui-ci à l’aide du tsunami qu’elle a elle-même déclenché, et qu’elle se jette dans les bras de Sosuke. La mère de ce
dernier ne s’inquiète alors que de nourrir et abriter deux enfants traités sans distinction, plutôt que de réagir en panique face à l’irruption de cette inconnue extraordinaire.

 



Refuser à ce point tout conflit, en désamorcer tout embryon (le personnage du père de Ponyo, potentiel méchant que Miyazaki préserve d’un pareil destin) relève de l’impertinence alors que la
pensée dominante impose qu’un film égale un conflit à résoudre, en particulier dans les dessins animés. A cela, Miyazaki oppose une philosophie identifiant le cinéma à une corde à linge, sur
laquelle sont accrochées à la suite autant d’idées visuelles – les vagues-poissons -, de situations – le bateau miniature agrandi à taille humaine – ou bien de mouvements d’images et de corps -
la voiture sur la route de la falaise, les déplacements de Ponyo qui ne suivent aucune logique humaine – qu’on le souhaite. Imaginées et concrétisées pour leur seule beauté intrinsèque, ces idées
sont le film plutôt que d’être à son service. Il fallait bien le génie de Miyazaki couplé à la pureté de ses desseins pour faire fonctionner un parti-pris aussi franc.

 



La féérie est longtemps ininterrompue - pendant plus d’une heure, avec comme point d’orgue ce tsunami qui devient une tornade d’inventions de cinéma ainsi qu’un sommet de l’œuvre du
réalisateur. Le (petit) revers de la médaille, c’est que les enjeux narratifs dont le film se désintéresse royalement pendant tout ce temps s’imposent à lui – et donc à nous – dans les vingt
dernières minutes. Un point d’équilibre est alors trouvé pour les personnages, et son affinage tranquille qui sert de moteur à cette partie du récit est forcément dénué de la griserie née de
l’instabilité et de la folle fuite en avant qui régnaient auparavant. Il n’y a pas là de quoi s’ennuyer, ni oublier la merveilleuse première heure ; simplement nous rappeler que Mon
voisin Totoro
durait une heure et quart, qu’il n’en fallait pas une de plus, et que cela représente vingt de moins que Ponyo sur la falaise.

 

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