• Peur(s) du noir, film collectif de Blutch, Charles Burns, Marie Caillou, Pierre di Sciullo, Lorenzo Mattoti et Richard McGuire (France, 2008)

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Où ?
Au MK2 Quai de Loire (notre prochain cinéma « fétiche », puisque nous emménageons dans le 10è arrondissement en mai prochain :o) )

 


Quand ?

 

Samedi soir

 


Avec qui ?

 

Ma femme, et une (petite) salle pleine.

 


Et alors ?

 

Le passage d’un art à un autre (écrivain – cinéaste, actrice – chanteuse ou l’inverse) est souvent quelque chose d’ardu, et de survendu par les campagnes marketing attenantes. Le succès du projet
Peur(s) du noir, film à 6 sketches écrits et réalisés par autant d’auteurs contemporains et influents du monde de la bande dessinée, n’avait donc rien de garanti.
D’autant plus que la BD a finalement peu en commun avec le cinéma : pas de son, pas de continuité des images, pas de format fixe (l’auteur peut à loisir moduler la taille, voire même la
présence ou non de ses cases).

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La très bonne surprise de Peur(s) du noir est alors de voir que, quelque soit la qualité finale (inégale, comme dans tout film à sketches) des différents segments,
chacun des participants n’a pas simplement adapté son 9è art en 7è, mais a fait du « vrai » cinéma – et du bon. Pour raconter leurs histoires sur la peur du noir, plus ou moins
allégoriques mais toujours visuelles (comprendre qu’aucun ne propose un traitement racial du sujet proposé), ils ont utilisé des procédés typiquement cinématographiques. La bande-son est ainsi
extrêmement soignée, tant sur la musique que les voix – avec la participation d’interprètes de renom, tels Guillaume Depardieu, Aure Atika ou Arthur H – ou les bruitages, souvent primordiaux.
Plus intéressant encore est l’usage fait du hors-champ, notion complètement antinomique de la BD et qui est ici au centre de plusieurs des récits, en particulier ceux de Blutch et de Richard
McGuire.

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Celui-ci, placé en fin de métrage, en est l’un des 2 meilleurs segments. Cette visite d’une maison hantée à la simple lueur d’une allumette est un exercice purement visuel (la peur du noir
recouvrant tout y est pour le coup abordée de façon littérale), ludique et excitant, auquel il ne manque qu’une vraie chute pour convaincre complètement. L’autre réussite est signée Charles Burns
(l’auteur du génial « graphic novel » Black hole), qui réalise un bijou de court-métrage d’horreur. La réalisation très sobre, volontairement anesthésiée, y est mise au service
d’une histoire de mutations et de reproduction qui n’en devient que plus terrifiante. Le David
Cronenberg
des années 80-90 ne l’aurait à coup sûr pas reniée.

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Les 2 autres sketches présentés d’un seul tenant ont moins d’impact. Celui de Marie Caillou, après un début dérangeant, s’égare dans une succession d’effets choc qui finissent par lasser.
L’ambiance visuelle terne et les enjeux flous de celui de Lorenzo Mattoti en font une œuvre fragile, assurément desservie par son positionnement en avant-dernier, alors que le rythme du film est
solidement établi.

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Ce qui dessert ce sketch en particulier est bien sûr un atout appréciable pour le film pris dans son ensemble. Grâce au montage, et plus précisément au découpage en plusieurs parties des
créations de Blutch et de di Sciullo, Peur(s) du noir présente une réelle cohésion entre ses parties disparates. Le saupoudrage tout au long du film des meurtres haineux
et affreux de l’homme aux chiens imaginé par le premier et des aphorismes perçants égrenés par la voix de Nicole Garcia chez le second unifient le tout et en font un film entier, cohérent, et
porteur d’une idée bien décidée et bien illustrée sur le monde.

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