• Parking, de Jacques Demy (France, 1985)

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Où ?

A la maison, en DVD zone 2 issu de l’intégrale du réalisateur

 

Quand ?

Dimanche soir

 

Avec qui ?

Seul

 

Et alors ?

 

Je m’attendais au pire au moment de m’atteler au visionnage consciencieux de Parking, l’avant-dernier long-métrage de Jacques Demy dont même les intervenants invités sur le DVD
ont du mal à dire franchement du bien. Plus que le choix téméraire du sujet (Orphée et Eurydice dans le microcosme du show-business parisien contemporain de la date de réalisation du film), deux
points font a priori particulièrement peur : la grande difficulté éprouvée par Demy à se fondre dans le moule de la musique populaire des années 80, et le casting des deux rôles principaux
fortement piloté par des raisons de production. L’un comme l’autre de ces aspects portent effectivement préjudice à Parking. Plus proches de la purge que de la ritournelle
entraînante, les chansons sont tout aussi difficiles à supporter que dans l’autre film musical de Demy de cette époque, 3 places pour le 26. Leur interprétation par un Francis
Huster flottant tout autant dans son personnage d’idole pop-rock torturée que dans sa combinaison de motard (on dirait plutôt un astronaute) n’arrange rien. Et dire que Demy rêvait initialement
de David Bowie… Quand à l’héroïne féminine Keiko Ito, imposée pour cause de cofinancement japonais, elle ne démérite pas mais est clairement limitée par le fait de devoir jouer un rôle tragique
dans une langue autre que sa langue maternelle.

Malgré ces boulets enchaînés aux pieds, Parking réussit à générer une certaine fascination. Principalement car le thème de la mort apporte au cinéaste l’inspiration insolite,
extraordinaire qui le fuyait depuis Peau d’âne.
On retrouve dans Parking le Demy candide et spontané que l’on aime ; celui qui projette sur la toile, sans arrière-pensée ni retenue raisonnable, ses visions simples et
franches de cinéma. Ainsi, comme à la grande époque des Parapluies de Cherbourg et des Demoiselles de Rochefort, le conte de fées dans sa
naïveté la plus pure côtoie un ancrage géographique et culturel très réaliste. De Notre-Dame au cimetière de Montmartre, le Paris des vivants est émaillé de citations précises de lieux ; et
de lignes de coke à la préparation de concerts dans le Palais Omnisports de Bercy tout juste sorti de terre, l’existence de l’Orphée chanteur à succès sillonne les terres du documentaire. A
l’opposé, l’enfer dans lequel Orphée ira chercher son Eurydice overdosée, via un mur du parking souterrain du parvis de Notre-Dame, est brillamment fantasmagorique. Recouvert d’un morne voile
gris uniforme duquel ne s’échappent que quelques éclaboussures rouges, il est géré comme une administration boursouflée par le couple délicieusement ironique et désabusé Jean Marais /
Marie-France Pisier. Dans son dernier grand geste artistique, Demy réalise un mix étonnant et inattendu entre les tout juste sortis Blade runner (les plans d’ensemble des rues du
monde des morts) et Brazil -
erreurs dans les dossiers, interminables files d’attente aux guichets…



Preuve de l’impression globalement positive laissée par le film, on en vient à
regretter le fléchissement du scénario au moment de conclure. Il y avait assurément matière à faire mieux que les ficelles de script mises en place pour mener à l’échec du sauvetage d’Eurydice,
puis à la mort finale d’Orphée. Mais ce sont là uniquement des moyens qui occasionnent des regrets, et non les fins qu’ils servent. Car en dépit de ses défauts, Parking est le
véritable et touchant film-testament de son auteur. Bien mieux que 3 places pour le 26, qui met pourtant en scène un personnage âgé et portant un regard rétrospectif sur sa vie,
Parking énonce des pensées fortes sur la volatilité d’une œuvre d’artiste, et l’insoluble incertitude quant au passage ou non à la postérité. « Ma carrière disparaîtra avec
moi » 
: mises dans la bouche du personnage principal, ces paroles parlent évidemment de Demy lui-même. Qu’il se rassure : son œuvre est tout sauf morte avec lui.



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