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- Miam, crunch, aïe : Les dents de la mer, de Steven Spielberg (USA, 1975)
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Où ?
A la maison, en DVD
Quand ?
Samedi soir, il y a dix jours
Avec qui ?
MaFemme
Et alors ?
Hormis le fait que j’ai l’âge de Steven Spielberg quand il a réalisé Les dents de la mer et que je ne suis pas (ni maintenant ni dans un futur très proche) en train de
réaliser l’équivalent en termes de qualité et d’impact, je ne vois aucune raison de ne pas admirer ce film qui fut le premier blockbuster de l’histoire, et qui reste encore l’un des meilleurs.
Steven Spielberg a alors 28 ans, donc, et sur son CV un vrai-faux premier long-métrage de cinéma (Duel, initialement un téléfilm qui passa dans différents festivals et
se retrouva distribué en salles en Europe) et un autre sans ambiguïté concernant son statut, l’oublié Sugarland Express. Comme la période est celle du « Nouvel
Hollywood » et que les jeunes pousses prometteuses font alors un peu ce qu’elles veulent au sein de studios en prise à la déprime, personne ne trouve à redire à ce que Spielberg s’empare du
script du produit à visée commerciale qu’est Les dents de la mer. Le pitch est simpliste : un requin monstrueux et hargneux s’attaque à tout ce qui vient mettre un
pied dans l’océan qui borde une station balnéaire de renom. En prime, c’est peu dire qu’il a bien choisi sa date – le week-end du 4 juillet, la fête nationale. Une sorte de buffet à volonté.
Mais aussi, du point de vue des notables de la ville, une perte énorme de revenus sur la saison touristique estivale qui débute seulement. La première partie du film fait s’opposer frontalement
ces deux logiques, celle du portefeuille et celle de la sécurité. L’objectif étant bien sûr que les tenants de la première gardent toujours une longueur d’avance sur ceux de la seconde, afin de
donner au requin le temps de se servir dans le stock de chair fraîche et à Spielberg de s’amuser à filmer ses attaques avec tout le plaisir pervers qu’il se doit. La toute première séquence (la
nageuse solitaire à l’aube happée au large par le requin) et l’attaque suivante, qui se déroule à une heure de grande affluence et devant les yeux du shérif conscient de l’existence d’une menace,
sont chacune un modèle dans leur genre respectif – la surprise et le suspense, pour reprendre les définitions établies par Hitchcock dans ses entretiens avec Truffaut. Les choix
de mise en scène (« l’absence » du requin dans la première scène, la vue subjective dans la seconde), de montage (la mise à profit de tous les points de vue disponibles) et l’apport
essentiel de la musique animale de John Williams façonnent ces moments tétanisants.
Ayant ainsi commencé son film par ce qui fait la fin, pleine de sang et de fureur, d’un slasher, Spielberg est absolument libre de poursuivre sa route où bon lui semble. La voie qu’il
choisit réalise un superbe virage à 180 degrés, et file droit vers un huis clos en pleine mer, sur le territoire du méchant imprévisible et mortel de l’histoire. Spielberg pose là les bases d’une
manière de procéder qu’il reproduira dans nombre de ses meilleurs films ; parmi les plus récents, Minority report et La guerre des
mondes démarrent eux aussi dans le chaos et la fièvre puis font des escales prolongées dans les antres de personnages inquiétants au possible. Les dents de la
mer nous tient en haleine dans cette configuration réduite par une combinaison d’éléments remarquables. Tout d’abord, comme Spielberg le fait remarquer dans les bonus du DVD, le
huis clos se voit explicitement à l’écran : tournées à distance suffisante des côtes, les scènes en pleine mer ne laissent apercevoir aucune trace de terre ferme à l’horizon. Les trois
protagonistes humains enfermés de la sorte sont de très belles figures de série B, par leur écriture et leur interprétation – Roy Scheider, Richard Dreyfuss et Robert Shaw forment un trio
charismatique et complémentaire. Le requin, pour sa part, pratique le même jeu de cache-cache avec ses chasseurs/proies et avec le public (menaçant pour eux, jouissif pour nous) en alternant
apparitions soudaines et affirmation de sa présence par des moyens indirects, tels les flotteurs jaunes que les humains lui accrochent afin de pouvoir le voir arriver de loin. Surtout, cette
deuxième partie du film sait idéalement ménager des renversements incessants dans le rapport de force entre les adversaires. La supériorité bascule sans cesse d’un camp à l’autre, au prix parfois
de quelques arrangements avec la crédibilité ou la lisibilité de l’action mais le résultat est là : l’issue de ce duel à mort est incertaine jusqu’à la toute dernière minute. Et rien ne nous
importe plus que de savoir à qui, et par quel moyen, la victoire finale reviendra.