• Mesrine, partie 1 : L’instinct de mort, de Jean-François Richet (France, 2008)

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Où ?

A l’UGC Toulouse, dans la grande salle

Quand ?

Samedi soir, à 22h30

Avec qui ?

Ma femme, et un parterre de spectateurs nombreux et pour la plupart tapageurs

Et alors ?

S’il est bien évidemment difficile de se forger un avis définitif avant la sortie du deuxième volet (L’ennemi public n°1, dès le 19 novembre prochain), le premier acte du
biopic en deux parties de Jacques Mesrine permet d’ors et déjà de confirmer certains a priori – positifs – et de soulever quelques réserves. On l’espérait au vu des premières images et
annonces, cet Instinct de mort le confirme : Mesrine est par bien des aspects sur la bonne voie pour tenir ses ambitions – on parle tout de même d’un projet
de quatre heures se déroulant sur deux décennies, avec pour personnage principal la figure emblématique de la criminalité française de l’après-guerre.


D’une étonnante densité, la première heure du film parvient ainsi brillamment à outrepasser l’écueil du néo-polar à la française, ses gros budgets et ses effets de manche aussi grandiloquents que vains, en le débordant
sur deux fronts. Il y a tout d’abord l’euphorisant et communicatif bonheur du cinéma tel qu’il est intensément vécu par les deux têtes d’affiche de Mesrine, qui comptent parmi les
meilleurs à leur poste en France : l’acteur Vincent Cassel et le réalisateur Jean-François Richet (qui marche dans les pas de Jeunet avec des premiers films aussi brillants que
confidentiels, une expérience intelligente et efficace à Hollywood et un retour en force en France pour un projet imposant). Le premier, aussi crédible en jeune mal dans sa peau dans la France
des années 50 qu’en fugitif meurtrier implacable, dévore l’espace, aimante la caméra, dégage un charisme majuscule tout en s’amusant de manière évidente à enchaîner postiches et métamorphoses
physiques. Le second fait se côtoyer dans chaque séquence un sens inné du rythme, une virtuosité toujours mise au service du récit (par exemple ce fugace ralenti au moment où Mesrine choisit de
se lancer dans une carrière criminelle, sur les pas de son meilleur ami), et le plaisir de la citation et de l’inscription dans la grande histoire du polar – américain, cela va de soit. Un
panoramique dans une salle de jeux clandestine fait ainsi référence aux Affranchis de Scorsese ; une exécution préméditée et filmée au cœur des ténèbres nocturnes évoque Mystic river de
Eastwood.


Une complicité évidente et sincère s’instaure dès lors entre ceux qui racontent l’histoire et ceux qui la suivent. L’instinct de mort ne s’en tient pas là, et impose sa différence
en faisant, au cours de cette première heure, de son personnage central le fil directeur d’un condensé express de l’histoire récente de la France. Le caractère opportuniste et impulsif de Mesrine
s’y prête tout à fait, et il suffit à Richet de le suivre dans ses expériences inachevées pour capter l’essence de sujets tels que la Guerre d’Algérie, l’extrémisme de l’OAS ou le clash des
générations dans les années 50-60 en une ou deux séquences particulièrement bien menées. Sûr de soi, L’instinct de mort fonce tête baissée dans les méandres de son « grand
sujet » et emporte notre adhésion.

C’est lorsque le film ralentit, se pose que les réserves surgissent. La fugue de Mesrine en Amérique, qui forme la seconde moitié de L’instinct de mort, est pour le moment la part
problématique du projet. Le temps s’y dilate, ouvrant la porte à une description plus étoffée du présent, des individualités. Malheureusement, au lieu de suivre cette voie Richet se fait piéger
par l’attrait d’une surenchère spectaculaire futile, à grands coups d’explosions et de fusillades futiles et quelconques. La victime première de ce choix à courte vue est l’approfondissement des
personnages, dont le meilleur exemple est celui de Jeanne, la complice de Mesrine à l’époque, jouée par Cécile de France et clairement abandonnée sur la table de montage ; il ne reste que
des miettes de son rôle que l’on pressent autrement plus étoffé.


Comme rien n’est simple, cette partie du film comporte également le moment le plus fort de celui-ci – le calvaire subi par Mesrine lors de son enfermement dans le quartier de haute sécurité d’une
prison canadienne. Remarquablement filmée et étirée dans le temps, cette section fournit une ampleur et une détermination supplémentaires au rôle-titre. L’ennemi public n°1
résoudra ce dilemme qui laisse pour l’instant soucieux : Richet est-il parvenu jusqu’au bout à planer au-dessus des embûches se trouvant sur sa route, ou bien la fin de
L’instinct de mort préfigure-t-elle un enlisement dans une superficialité qui contredirait les belles promesses de la première heure ?

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