• Memento, de Christopher Nolan (USA, 2000)

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Où ?

A la maison, en DVD enregistré à partir d’une K7 vidéo

Quand ?

Samedi soir

Avec qui ?

Ma femme

Et alors ?

A posteriori, la persistance de certains thèmes dans l’œuvre de Christopher Nolan impressionne. Le réalisateur de The dark knight n’a pas attendu ce dernier film pour traiter des questions de justice et de vengeance, et pour
parasiter ses récits par l’introduction de personnages vivant par et pour le mensonge. Le tueur interprété par Robin Williams dans le remake d’Insomnia, le Joker du Dark
knight
, les magiciens truqueurs du Prestige ont tous en commun cette obsession perverse de la duperie, de l’abus de la confiance de ceux qui les écoutent pour mieux les leurrer
et les perdre. Plutôt que de les dénoncer, les scénarios de Nolan ont comme objectif d’observer avec neutralité les effets destructeurs de ces mensonges lorsque rien ne vient se mettre en travers
de leur chemin.

Dans Memento, le 2è film de Nolan et le coup d’éclat qui l’a révélé en un éclair aux yeux de tous, cet effet est encore plus exacerbé. Il pourrait difficilement en être autrement,
avec un synopsis dont le personnage central, Leonard, est atteint du syndrome de perte de la mémoire à court terme – il oublie complètement tout ce qui lui arrive, tout ce qu’il fait, tous les
gens qu’il rencontre, quelques minutes après les faits. Malgré le système sophistiqué de tatouages, polaroïds et post-it qu’il a mis en place, Leonard se retrouve bien évidemment à la merci de la
mauvaise foi de ses interlocuteurs, prêts à faire dévier sa quête de vengeance (retrouver l’homme qui a violé et tué sa femme) pour leur profit personnel. Les fondations du récit sont donc
particulièrement sophistiquées, pour ne pas dire alambiquées ; mais Nolan les fait fonctionner en leur adjoignant un déroulé scénaristique et une mise en scène tout aussi complexes,
permettant au film de trouver un point d’équilibre.

L’histoire de Memento est coupée en 2 parties, qui progressent en montage alterné tout au long du film et fusionnent dans la séquence finale. Une partie racontée
chronologiquement, filmée en noir et blanc ; et l’autre en couleurs, mais qui se déroule à rebours, chaque scène précédant dans le temps celle que l’on vient de voir. Soutenue par un montage
nerveux et par des acteurs en permanence sur la corde raide, l’excitation ludique de ce dispositif est évidente, qui force le spectateur à rester aux aguets et à construire lui-même le fil
logique du récit plutôt qu’à laisser nourrir passivement son temps de cerveau disponible. Elle se double d’une étude de caractères étonnamment convaincante par rapport à sa construction en
pointillés : Leonard et ses 2 soutiens – et menteurs potentiels – forment un trio captivant, au sein duquel les loyautés se brisent et se reforment en permanence, et dont les enjeux se
cristallisent autour du problème de la justice rendue par et pour soi-même. Comme cela s’est répété sans cesse chez Nolan depuis, Memento a pour point névralgique cet instant -
dont les conséquences tragiques sont exacerbées à l’extrême – où l’idéal trompeur de justice individuelle et efficace se dévoile pour ce qu’il est réellement : un désir impulsif et brutal de
vengeance, et surtout l’étincelle d’un cycle de violence aveugle au déclin incertain. Grâce à cette profondeur soudaine, le final de Memento est bien plus qu’un banal et éphémère
coup de théâtre ; il maintient le film vivace en nous longtemps après le visionnage, soit le même tour de force que celui que Nolan réussira à nouveau avec Le prestige.

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