• Mad Men, saison 3 épisode 6

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Comme pour fêter l’obtention le même soir d’un deuxième Emmy Award consécutif de meilleure série dramatique, l’épisode 3X06 de Mad Men a formidablement confirmé que l’étincelle
distinguée dans l’épisode 4 de cette même troisième saison s’est
propagée pour donner naissance à un véritable et magnifique brasier. Le recentrage sur le personnage de Don Draper ne fait désormais plus aucun doute, et il n’y a pas l’ombre d’une raison de s’en
plaindre. Celui qui est maintenant officiellement le héros de la série ne tire en effet pas la couverture à lui mais au contraire élève le niveau de tous ses proches, qu’ils soient au travail ou
à la maison, en servant de point focal aux intrigues qui les concernent les uns et les autres. Des intrigues qui atteignent en simultané – et c’est en cela que ce sixième épisode est immense, en
croisant les doigts pour que les suivants gardent le même rythme – l’endroit exact où les scénaristes voulaient de toute évidence en arriver dans cette saison.

Betty, la femme de Don, a accouché. Ce qui se traduit à l’écran, par la grâce du mélange de folle ambition d’écriture et d’intense complexité psychologique qui caractérise Mad
Men
, par un double début de malaise chez les Draper : Betty trouve dans son nouveau-né un moyen de compenser tout ce qu’elle a perdu en même temps que son père mourrait (un
développement scénaristique qui prend aujourd’hui tout son sens), délaissant le reste de sa famille ; pour toutes ces raisons, la fille aînée du couple, Sally, développe un rejet profond,
quasiment phobique, de cet inoffensif bébé. La cristallisation de cet antagonisme sur des choses élémentaires, et donc fondamentales dans un foyer (un prénom, l’occupation d’une chambre à
coucher), rend cette partie du récit juste époustouflante.

Et que dire alors de l’autre face de l’épisode, qui voit les bureaux de l’agence Sterling & Cooper réquisitionnés pendant deux jours par les nouveaux actionnaires anglais pour des broutilles.
Là encore, l’intention des créateurs de la série se révèle au grand jour après un début de saison qui patinait quelque peu. A travers cette histoire d’OPA agressive et étrangère, Mad
Men
ne nous parle plus seulement d’hier, mais aussi et de plus en plus frontalement d’aujourd’hui. Ce qui se met en place chez Sterling & Cooper est ce qui se produit dorénavant
chaque jour dans des dizaines de sociétés de par le globe : des salariés qui travaillent pour des patrons devenus inaccessibles, aux motivations purement financières et aux stratégies qui ne
vous considèrent plus comme des individus mais comme des capitaux, des cases sur un organigramme. Tout au long de la séquence de la visite au pas de charge des locaux puis de la présentation à
sens unique de la réorganisation orchestrée à Londres, la diatribe à l’encontre du capitalisme financier moderne reste en filigrane mais se montre impitoyable et ravageuse de bout en bout. Quant
à la manière détournée trouvée pour renvoyer ces anglais d’où ils venaient, c’est bien simple : je ne trouve pas meilleure comparaison que le dénouement jubilatoire du Looking for Eric de Ken Loach. Avec un tracteur, du
sang, et une exécution réalisée de manière involontaire de la part des personnages qui sert de paravent à l’écriture tout à fait volontaire des scénaristes.

Enfin, ce n’est pas parce que j’ai parlé d’un recentrage sur Don Draper qu’il faudrait pour autant oublier l’étoile montante de cet épisode, la secrétaire en chef Joan. Déjà fascinante depuis
longtemps, celle-ci devient incontournable en deux idées, qui font deux scènes : une dispute nocturne qui la montre pour la première fois sans maquillage, et une gestion de crise au cours de
laquelle se révèle son orgueil phénoménal et hautement tragique au vu des circonstances. On a hâte de voir ce que les auteurs vont faire de ce personnage après le coup de Trafalgar qu’ils ont
fait subir à son existence bien réglée.

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