• Lolita, de Stanley Kubrick (USA, 1962)

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Où ?
À la maison, sur une vieille K7 vidéo qu’il va falloir penser à remplacer avant qu’il ne soit trop tard. Par contre, ça a été l’occasion de se rendre compte que le doublage français du film est excellent.


Quand ?

Le week-end dernier


Avec qui ?

Ma femme


Et alors ?

Lolita est le premier Kubrick « libre » d’envergure, puisque auparavant le cinéaste s’était partagé entre coups d’essai anecdotiques et films de commandes. Bon, celui-là aussi est une commande, mais après la mauvaise expérience de Spartacus Kubrick ose se lâcher, et modeler l’œuvre à sa guise. Il tourne intégralement en studio en Angleterre alors que l’action se déroule en Virginie (l’info est notable car le subterfuge ne se remarque pas une seconde), et surtout il parsème son film de tous les sous-entendus verbaux possibles pour exprimer de manière transparente ce qu’il était – et est toujours – impossible de filmer : le désir physique d’un quinquagénaire (James Mason) pour une fille de 12 ans (Sue Lyon). Un désir dont l’on comprendra qu’il est largement consommé dans la seconde moitié du film, la première se concentrant sur une intrigue toute aussi amorale, le besoin incontrôlable de sexe d’une femme au foyer veuve et de bonne famille (Shelley Winters, dans le rôle de la mère de Lolita).

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Le résultat est terrifiant de pertinence et d’inflexibilité sur la bestialité profonde qui nous gouverne tous sous le vernis de la (bonne) société. La censure rend presque le film plus fort : ce que l’on voit du coup à l’écran, ce sont des personnages qui tentent désespérément de cacher par leurs actes – dictés par la censure – ce que leurs paroles – mises dans leurs bouches par Kubrick – trahissent invariablement. Avant Orange mécanique, Shining ou Full metal jacket, le cinéaste dépeint déjà ici de véritables monstres ; et pour ne citer que lui, le jeu de James Mason qui se remplit de tics et de grimaces lorsque la situation lui échappe vers la fin du film vaut bien la prestation de Jack Nicholson dans Shining. Devant la caméra à l’ironie tranchante de Kubrick, la Virginie raciste et bigote devient une région peuplée de créatures hideuses, qui se repaissent de ce que les enfants ont et que eux-mêmes ont perdu : l’innocence, le goût du jeu, le charme physique.

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Lolita est une victime de ces « atouts », une Alice que le terrier du Lapin Blanc a envoyé dans un monde où tout le monde cherche à abuser d’elle. La fuite finale que lui offre Kubrick, sublime de sérénité humble et délicate, la voit d’ailleurs se défaire de tout cela : beauté masquée, sérieux et dévouement total, une véritable ascèse… semblable à celle que choisira d’endosser le réalisateur en vivant reclus dans son immense propriété. On retrouve Kubrick dans un autre personnage, dans le marécage des adultes cette fois : le dramaturge Quilty, interprété par Peter Sellers. Visiblement bluffé par l’acteur, Kubrick le laisse jouer un rôle primordial dans l’intrigue, presque le premier, en tant que seul d’entre tous à être conscient de l’absurdité et du tragique de cette pitoyable mascarade. Malin, il ne l’absout pas pour autant ; par de nombreux aspects, Quilty est aussi condamnable que ses congénères, ce qui rend cet autoportrait de l’artiste à la fois dans et en dehors du monde encore plus complexe et captivant. 2 ans plus tard, le duo Kubrick – Sellers poussera à son paroxysme le principe qui fonde ici leur collaboration (un regard satirique sur une réalité détestable) : ce sera Docteur Folamour.

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