• Le temps des gitans, de Emir Kusturica (Yougoslavie, 1989)

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Où ?
Chez moi, le DVD zone 2 édité par Carlotta il y a quelques mois (très belle qualité d’image)

Quand ?
Jeudi soir

Avec qui ?
Seul

Et alors ?

Emir Kusturica fait des boules à neige. Des mondes complètement hors du temps, de la réalité (il fait d’ailleurs une mise en abyme transparente de ce principe dans son chef-d’œuvre
Underground), qui lui permettent d’oser les délires les plus fous. Ici, les villes sont ainsi repoussées en arrière-plan ou transformées en terrain de jeu semi irréel
pour les personnages, et laissent la place à (liste non exhaustive) :
– des pouvoirs magiques
– un rêve façon Bollywood
– une maison qu’on arrache littéralement à la terre
– un dindon présent dans tous les plans ou presque pendant la 1ère heure…

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Au milieu de tout cela se déroule une histoire d’amour, belle et tragique au possible. À 20 ans d’intervalle, le prix de la mise en scène à Cannes (1989) et la transposition en opéra du film
(2007) disent la même chose : le scénario imaginé par Kusturica est une suite de scènes archétypales sur laquelle il s’appuie pour faire s’épanouir ses visions extravagantes, en totale symbiose
avec les embardées de son compositeur fétiche Goran Bregovic. Le dernier tiers du Temps des gitans n’est d’ailleurs plus qu’un enchaînement de tableaux magistraux, sans
transitions entre eux – un mariage, un accouchement, encore un mariage et un enterrement. L’accouchement, qui clame à la fois la magie et la fragilité de la Femme, est assurément le plus
beau ; parce qu’il est celui où Kusturica met à nu de la manière la plus évidente la douleur profonde qu’il ressent face à la violence du monde, et qu’il masque habituellement derrière sa
bouffonnerie géniale.

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Car le monde vu à travers le miroir – pas si – déformant des gitans est impitoyable, et foule sans clémence tout ce que les doux rêveurs (adolescents, artistes… cinéastes) peuvent détenir de
pureté et d’amour. Arrivés au terme de ce désenchantement, les adultes n’ont plus qu’à se fabriquer une carapace de cruauté barbare (le parrain de pacotille qui prend Perhan, le héros, sous son
aile), de fiel et d’acrimonie (la mère de l’héroïne) ou de folie (l’oncle du héros). La progression inéluctable de Perhan sur ce chemin fatal offre un rôle en or – peut-être le plus beau
personnage écrit par Kusturica – au jeune Davor Dumjovic, dont la métamorphose physique et morale au fil du récit impressionne et prend durablement à la gorge.

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