• Les beaux gosses, de Riad Sattouf (France, 2009)

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Où ?

Au Forum des Images, à l’occasion de la reprise des films de la Quinzaine des Réalisateurs du récent Festival de Cannes

 

Quand ?

Il y a une semaine

 

Avec qui ?

Ma femme, et une salle comble (le film bénéficie d’un gros buzz, absolument justifié)

 

Et alors ?

 

Enfin ! Enfin un teen movie français qui réussit à s’élever à la hauteur des modèles américains du genre. Pourquoi cette soudaine réussite là où tant d’autres ont lamentablement échoué ?
Comment ? Par quel miracle ? La réponse est dévoilée dans cette critique – et pas plus tard que tout de suite. Les beaux gosses fait passer l’instantanéité des situations, leur
valeur immédiate avant la quête d’une pseudo-morale, d’une histoire élaborée qui ennuie tout le monde, d’un but clair mais réducteur. Ce qui est exactement la bonne manière de procéder, puisque
comme le dit merveilleusement bien la tagline mémorable de Supergrave, à cet âge-là, « On veut du cul ! ». Un point c’est tout. On y pense tout le temps, et si à chaque fois que l’on
y pense (tout le temps, donc), on pouvait l’avoir tout de suite, ce serait parfait. Les seuls teen movies à ne pas assumer cet état de fait sont ceux qui démontrent un fort penchant à
droite (les productions Disney, Lol ou l’antique
Hélène et les garçons chez nous), où est défendue l’idée – ou plutôt la doctrine – que le seul objectif des adolescents responsables doit être de reproduire à l’identique le
modèle de leurs parents. À savoir fonder un couple stable, étudier pour obtenir un travail en haut de l’échelle sociale, en bref se projeter vingt ans plus tard ; alors qu’en réalité,
« On veut du cul ! ». Pour clore cette digression politico-cinématographique, il faut souligner que la fin ouverte des Beaux gosses, qui propose une totale
redistribution des cartes (chacun sort avec quelqu’un d’autre, avec la forte éventualité que cela puisse de nouveau changer dans la journée sans psychodrames), est une preuve de grande
intelligence.

Revenons à nos moutons. Dans Les beaux gosses, tout le monde veut du cul. C’est bien sûr la préoccupation numéro un du duo central Hervé et Camel – visage acnéique, appareil
dentaire, coupe de cheveux improbable, vêtements au-delà de la non-mode, démarche empotée : ils sont irrésistibles -, régnant sur leur micro-groupe de Freaks & Geeks jouant à Donjons & Dragons, s »abreuvant
de légendes urbaines et pestant contre les « crypto-fascistes ». Mais c’est aussi le cas pour tous les personnages secondaires, les jeunes comme les adultes (le couple strict à
l’intérieur de l’enceinte du collège / déluré à l’extérieur formé par la directrice et le surveillant principal, la mère de Hervé obsédée par les branlettes de ce dernier). Même les filles sont
de la partie ; quand elles veulent sortir avec un garçon, comme la jolie Aurore avec Hervé, c’est en bonne partie pour passer à court terme à l’acte. Cette absence de stéréotypes dans la
définition des personnages – du genre les ratés obsédés, les filles sérieuses, les parents qui vivent sur une autre planète – et des mauvaises blagues qui vont de pair permet aux Beaux
gosses
de taper dans le mille. Une fois qu’il a placé tous ses protagonistes sur un pied d’égalité dans le petit microcosme de son film, Riad Sattouf n’a plus qu’à se laisser guider par
les trois bonnes fées de la comédie : méchanceté, absurdité, vulgarité. Le tout servi par le téléscopage d’un beau sens du cadrage incongru et d’une mise en scène naturaliste d’une belle
simplicité, qui constitue le meilleur support possible à l’efficacité des blagues.

Comme dans les comédies de bandes de potes de Judd Apatow ou
Will Ferrell, tout le monde ne rira pas forcément à tous les
gags inspirés par ces trois fées ; mais ceux-ci forment un ensemble cohérent, globalement hilarant et suffisamment fourni pour ne jamais manquer de souffle. Le comportement hystérique de Camel à
la moindre évocation pouvant se rapporter au sexe et le site « mamans-trop-chaudasses.com » parmi les blagues de premier plan, le livre sur les lettres des soldats de la Grande
Guerre et les interventions de Wulfran le délégué de classe non-voyant et top stylé (ou de Mahmoud l’idiot souffre-douleur) dans les gags soudains, sont de grands moments de fous-rires. Et plein
d’autres aussi. Le meilleur étant, selon moi, la maestria avec laquelle Sattouf fait exister à l’écran l’ineptie presque surréaliste de la vie quotidienne dans les salles de classe. Celle-ci se
réduit en définitive à une succession de saynètes décousues, résumables en une phrase : « Dites monsieur, y a contrôle ou pas alors ? », « Oh l’autre, elle a 14 et
elle pleure »
, « Mentalisez le parcours » [de gym]… Comme des comic strips en trois cases de bande dessinée (le premier métier de Riad Sattouf), ces intermèdes
nombreux et tordants scandent à merveille le film, entre les discussions sur le sexe et les tentatives désespérées de choper.

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