• Le petit lieutenant, de Xavier Beauvois (France, 2005)

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Où ?
A la TV, sur France 2 (ça faisait un bail que je n’avais pas regardé un film « en direct » à la TV !)

Quand ?
Dimanche dernier

Avec qui ?
Seul

Et alors ?

Le début du Petit lieutenant est tout bonnement excellent, avec une succession de scènes courtes et inspirées qui ancrent solidement le film dans le genre « fiction du
réel ». De la  sortie de l’école de police aux ballades dans les couloirs du commissariat à la rencontre des différentes brigades, Xavier Beauvois – qui se frotte pour la 1ère fois au
film de genre – capte avec avidité la découverte du métier de flic par Antoine, son jeune héros. Celui-ci sert clairement d’alter-ego au réalisateur, comme le prouve une scène de repas chez un
collègue plus aguerri, auquel Antoine pose des questions presque journalistiques (pourquoi tu as choisi ce métier ? qu’est-ce ça fait d’être maghrébin dans un tel environnement ?). Le
choix de cadrage – Antoine hors-champ en voix-off, son collègue répondant face caméra – entérine l’ambition documentaire de la séquence.

La seule limite à cette superbe 1ère partie tient en des dialogues un peu trop écrits et une mise en scène un peu trop voyante par rapport à l’ambition d’ensemble de Beauvois. Toutefois le souci
de réalisme reprend le dessus, dans le placement très précis du récit dans les rues parisiennes, et surtout dans le choix de l’affaire criminelle servant de fil rouge au scénario. Celle-ci
n’arrive qu’après 30 minutes, et consiste en un meurtre de sans-papiers par un autre sans-papiers ; soit un fait divers sordide et globalement inintéressant pour la société, loin des rêves
de grandeur qui ont poussé Antoine à monter à la capitale. Fort logiquement, l’enquête en elle-même est peu palpitante. Elle représente surtout une occasion – maligne – pour le réalisateur de
nous plonger dans le monde parallèle au notre de ces individus mis au ban. Hôtels de fortune, soupe populaire, petits boulots au black (l’occasion d’une séquence géniale chez le riche
propriétaire d’un vignoble bordelais, suffisamment cynique pour justifier l’exploitation qu’il fait de la misère humaine sans avoir de problème avec sa conscience) : Beauvois observe tout,
et l’enregistre pour lui et pour nous. En ce sens, son Petit lieutenant est un film politique, car il a les yeux ouverts sur le monde.

Les personnages plus que l’intrigue sont au cœur du récit – un très bon choix, malheureusement pas amené à son terme comme on le verra. Ce parti-pris offre aux acteurs la place pour développer
des rôles complexes, et sûrement pas manichéens. Antoine est un petit jeune instable, égoïste (ses rapports avec son épouse, qui n’apparaît qu’après 3/4 d’heure, sont très conflictuels) et qui
peut facilement décrocher : voir la séquence où il se bourre la gueule au bar, d’où se dégage un malaise déstabilisant. Jalil Lespert est très bon dans toutes ces nuances. En face, Nathalie
Baye fait elle aussi belle impression dans une version quinquagénaire de Antoine : flic très douée mais femme solitaire, alcoolique, passée à côté de sa vie. L’actrice est remarquable, mais le
personnage pas assez développé (contrainte de temps ?). *spoiler* La dernière 1/2 heure, après la mort de Antoine, ne fait ainsi que solder les comptes au lieu de s’inscrire dans la durée
et d’y trouver un second souffle. Le dernier plan est emblématique de ce semi-ratage : Nathalie Baye marche sur la plage, la caméra la suit en travelling… mais aucune émotion ne traverse
l’écran, ne nous touche. Le bel ouvrage du début s’est transformé en froide mécanique, à l’image du recours final à l’astuce du regard caméra.

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