• Le père de mes enfants, de Mia Hansen-Løve (France, 2009)

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pere-1Où ?

Au MK2 Bibliothèque

 

Quand ?

Début juillet, dans le cadre du festival Paris Cinéma (la sortie commerciale du film est pour ce mercredi, le 16)

 

Avec qui ?

Ma femme

 

Et alors ?

 

Le père de mes enfants est une œuvre enlevée, bouillonnante, généreuse, qui tire une grande partie de cette énergie vitale de son personnage principal, Grégoire Canvel. Comme
Sofia Coppola l’avait fait dans Lost in translation, la jeune (28 ans) Mia Hansen-Løve s’est projetée avec succès dans l’âme d’un homme d’une cinquantaine d’années. Mais
contrairement au Bob / Bill Murray de Coppola, Grégoire n’est ni déprimé ni épuisé par le poids des ans. Il déborde au contraire de vie et d’envie dans le cadre de sa passion dont il a eu la
chance de faire son métier – producteur de cinéma (le personnage est explicitement une recréation fictionnelle du producteur français Humbert Balsan). Avec le cœur et l’audace d’un gamin de vingt ans,
il croit pouvoir plier le monde à sa volonté, tout mener de front, mobiliser autant de ressources et d’énergies que nécessaire – à un niveau d’engagement équivalent au sien – et ainsi monter tous
les projets, même les plus risqués et difficilement rentables. Pendant un peu plus d’une heure cela donne un film palpitant, saisissant, qui dans les pas de son héros trouve lui aussi sans cesse
les moyens de ranimer son élan, son ardeur. Même si elle ne s’appesantit sur rien, Mia Hansen-Løve fait bel et bien tout exister au premier coup d’œil – la vie de famille de Grégoire, son intérêt
pour l’histoire chrétienne, et surtout le bourdonnement ininterrompu de la ruche qu’est sa petite structure de production de films, une deuxième famille, une deuxième adresse située dans un vieil
immeuble de la rue du Faubourg Saint-Denis. Campagne et ville, famille et travail, passé (les églises) et avenir (les projets de long-métrages) : Le père de mes enfants
maintient un équilibre instable mais – donc ? – beau entre ces contraires, comme une toupie entretient sa rotation grâce à sa force centrifuge.

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Quand Grégoire n’arrive plus à surfer juste devant la vague mais se fait avaler par celle-ci, se voit contraint au dépôt de bilan et à la liquidation de tout son catalogue, sa déception est à la
hauteur de l’exploit réalisé auparavant durant tant d’années – et lui est insupportable, le poussant au suicide. La sécheresse de cette scène et sa violence frontale (la caméra de Mia Hansen-Løve
filme ce qui se produit devant elle sans s’y attendre, donc sans chercher à en détourner son regard) provoquent un état de sidération à la hauteur de l’imprévisibilité d’un tel acte. Le revers de
la médaille est qu’arrive alors ce qui se produit souvent lorsqu’un personnage si fort et marquant s’éclipse : le film ne s’en remet jamais vraiment complètement. Cette disparition anticipée,
placée au milieu du récit plutôt que dans sa dernière ligne droite, est de toute évidence une volonté forte de la cinéaste, désireuse de mener par ce biais une réflexion sur la survivance d’un
être après sa mort par son souvenir chez tous ceux qui l’ont côtoyé. Mais Mia Hansen-Løve ne s’est pas donné les moyens de faire s’épanouir pleinement ce désir ; en partie car les
personnages qu’elle a relégués au second plan dans le premier acte n’ont alors pas assez pu exister par eux-mêmes, rendant difficile pour nous de nous attacher autant à eux qu’à Grégoire.

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Le père de mes enfants a peut-être aussi été écrit et mis en chantier trop vite, sans mûrir suffisamment, car on y retrouve un certain nombre de facettes et d’éléments déjà vus,
et encore mieux utilisés, dans le merveilleux Tout est
pardonné
, le premier film de la réalisatrice. Il y a dès lors dans ce deuxième long-métrage un petit air d’application d’une recette éprouvée, mécanique, un peu moins
pleinement ressentie. Cependant tout est – très – loin d’être perdu pour Mia Hansen-Løve, dont il n’est absolument pas question de dire ici qu’elle est sur une pente descendante. Le père
de mes enfants
reste bien au-dessus de la moyenne dans sa seconde moitié, grâce entre autres à son talent de directrice d’acteurs et de dénicheuse de décors. De plus, si elle laisse
croître dans ses prochains films l’ironie inattendue chez elle qui pointe ici et là (dans la description des projets de films par exemple, ou encore le traitement réservé par les deux plus jeunes
filles de Grégoire au liquidateur judiciaire), cela pourrait être un complément parfait à la délicate atmosphère de douceur et de sensibilité dont elle sait déjà, par don naturel, si bien
envelopper ses histoires.

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