• La vie au ranch, de Sophie Letourneur (France, 2010)

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ranch-1Où ?

Au MK2 Quai de Seine

Quand ?

Vendredi soir, à 22h30

Avec qui ?

Seul

Et alors ?

 

A un teen movie indie et téméraire américain (Kaboom) début octobre a répondu une semaine plus tard un teen movie indie et téméraire français. Certes, ce n’est pas
franchement ce qu’annonce l’affiche plus Paris Hilton que Paris Cinéma de La vie au ranch. L’image dévergondée et tapageuse qu’y donne d’elle-même la bande de copines
mise en vedette par le film est effectivement cohérente de leur attitude tout au long de celui-ci. Mais jusqu’à preuve du contraire ce ne sont pas les personnages qui font un film, mais le regard
que porte sur eux le réalisateur – dans le cas présent la réalisatrice, Sophie Letourneur, dont La vie au ranch est le premier long-métrage.

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Pauline, Manon, Lola et les autres sont bourrées des « défauts » de leur âge (la vingtaine tout juste dépassée, étudiant en fac mais avec une vision du futur qui s’arrête au très court
terme – la prochaine virée ou le prochain squat entre potes) et de la condition sociale dont elles ont hérité en naissant (parisiennes des quartiers chics des bords de Seine). Letourneur les a
écrites de cette façon sur la base de situations et conversations largement autobiographiques. Là les chemins de La vie au ranch et de Kaboom
divergent grandement, puisque le film français colle à la réalité en suivant dans les grandes lignes les règles du docu-fiction, quand l’américain pousse à l’extrême une volonté d’irréalisme en
s’appuyant pour cela sur des moyens tant formels – les couleurs primaires surreprésentées – que scénaristiques (l’appel à des éléments de fantastique, de théorie du complot). La vie
au ranch
rallie le terrain de prédilection des comédies de Judd Apatow, qui ne fait lui aussi qu’écrire et filmer ce qu’il connait le mieux, à savoir son quotidien, ses
lieux de vie à Los Angeles et ses proches. La vie au ranch est un 40 ans toujours puceau parisien, et surtout féminin.

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Pa rapport au modèle cité, les rôles sont en effet complètement inversés entre filles et garçons : ici ce sont ces derniers qui se voient rejetés à la marge du récit, autorisés de manière
exceptionnelle à montrer le bout de leur nez au détour d’une scène. A l’instar des filles de chez Apatow, ils sont par rapport aux filles de chez Letourneur trop réfléchis, avec une idée trop
bien fixée de la direction à donner à leurs vies, pour avoir réellement droit de cité. Le renversement a quelque chose de féministe ; après tout, pourquoi les filles devraient-elles toujours
être montrées comme coincées, strictes, chiantes ? Elles aussi peuvent être vulgaires, je-m’en-foutistes, et branchées en circuit fermé sur un présent perpétuel et expurgé de tout
questionnement profond. La vie au ranch s’immisce dans cette bulle hermétique et observe les blagues bêtes et/ou méchantes, les références et activités communes qui
soudent le groupe, les problèmes d’une qui deviennent le problème de toutes, les petites zizanies qui peuvent s’y développer. C’est souvent très drôle (l’inquiétude de Lola sur l’exact bon moment
de la journée auquel rappeler un garçon qu’elle a dragué dans la rue devant une boîte de nuit), et encore plus souvent très juste. En n’hésitant pas à enchaîner les séquences n’ayant pas
forcément de finalité dramatique, et en remplissant ces instantanés de détails qui font immédiatement authentiques – les filles se battent pour de la glace Ben & Jerry’s, ont des cystites –,
Letourneur atteint en effet un degré de réalisme idéal et savoureux.

On regrette qu’elle le mette en péril en fin de parcours, lorsqu’elle force l’introduction d’une intrigue et d’enjeux plus conséquents (la dislocation du groupe des filles) mais sans les avoir
introduits de manière adéquate. Les jugements établis soudain à l’encontre des unes et des autres contiennent une trop grande part d’arbitraire pour ne pas laisser perplexe. De La vie
au ranch
, on préfère retenir le désordre inaugural – qui fait effet un bon moment – que l’assagissement mal négocié de sa conclusion.

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