• La bataille d’Alger, de Gilles Pontecorvo (Italie / Algérie, 1966)

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Où ?
Chez moi, en K7 vidéo enregistrée sur France 2, tard dans la nuit un mardi soir. La qualité d’image est très bonne, le film a dû être diffusé à partir d’une des récentes éditions DVD (Criterion ou
zone 2)

 


Quand ?

 

Ce week-end

 


Avec qui ?

 

Seul

 


Et alors ?

 

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Vu entre Un coeur invaincu et L’ennemi intime, La bataille d’Alger se fait le
héraut d’un constat sans appel : un film sans stars, c’est quand même beaucoup mieux pour traiter d’un sujet délicat et complexe en ayant les coudées franches.

 

Comme son titre l’indique sans fioritures, le film de Gilles Pontecorvo est le récit asphyxiant d’une bataille, d’une guerre entre le FLN et les forces françaises à coups d’attentats et
d’exactions. Du premier au dernier plan, on est placé au coeur de la population et des bombes qu’elle subit par une mise en scène qui refuse de donner une importance particulière à tel ou tel
protagoniste, et qui ferme constamment le cadre par des corps ou des bâtiments. De plus, très peu de plans larges viennent poser la situation ; tandis que le montage n’accorde aucun temps
mort, aucune scène en creux. On ne voit que la préparation des attaques, leur réalisation et leurs conséquences immédiates. Tout cela est décrit de façon chirurgicale, sans discours moral plaqué
sur les faits, un aspect qui se retrouve dans la voix-off : mécanique, sans timbre, qui égrène des communiqués violents et acharnés émanant successivement des 2 camps.

 

Ces 2 camps, La bataille d’Alger les renvoie dos à dos, sans se montrer particulièrement « anti-français » (la raison implicite derrière la censure qui a
frappé le film en France pendant de nombreuses années). La 1ère demi-heure ne montre d’ailleurs que des violences (les attentats, mais aussi la montée de l’extrémisme religieux) venant du FLN.
Ensuite vient le temps de l’escalade : une bombe française dans un quartier populaire, frappant aveuglément des civils (la scène est d’autant plus glaçante qu’on ne la voit pas venir, le
commissaire qui se charge de l’opération semblant « raisonnable » jusqu’au moment fatidique) ; le tristement fameux triple attentat féminin du FLN, filmé rigoureusement étape par
étape.

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La seconde moitié du film voit l’arrivée de l’armée française, et sa pratique de la torture pour obtenir des renseignements. Là plus qu’à aucun autre moment s’impose l’avantage qu’il y a à ne pas
avoir dans un tel projet d’acteurs ou de personnages qui se distinguent : l’argumentaire du général français justifiant la torture n’est ainsi pollué par aucun préjugé dû au traitement positif ou
négatif du personnage ailleurs dans le film. Son discours nous est livré brut, à nous de le traiter. Bien sûr, le réalisateur donne ensuite son point de vue sur la chose, via un montage dur et à
charge de scènes de torture ; mais il a laissé auparavant l’autre camp s’exprimer, sans profiter de sa position de metteur en scène pour le saborder et introduisant ainsi une complexité morale
bienvenue.

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L’épilogue situé 2 ans plus tard, quand après une période de calme la rébellion reprend vie tout d’un coup (et de manière bien plus importante), est important justement pour cette ellipse. Par
celle-ci, Pontecorvo montre comment dans une telle lutte la victoire ne se joue pas sur le visible – les meurtres, la répression – mais sur l’intangible : le changement de mentalité des gens, la
capacité à les mobiliser au nom d’une cause. La dernière séquence, presque anodine en elle-même (des femmes qui dansent et chantent dans la rue face aux soldats), illustre justement par son
caractère mineur une compréhension particulièrement fine du sujet.

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Le film a obtenu le Lion d’or à Venise en 1966.

 

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