• L’un contre l’autre, de Jan Bonny (Allemagne, 2007)

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Où ?
Au MK2 Beaubourg

Quand ?
Le lundi chômé de Pentecôte

Avec qui ?
Seul, au milieu d’une cinquantaine de personnes

Et alors ?

A rebours des critiques élogieuses qui ont accompagné sa sortie, le début de L’un contre l’autre fait très, très peur. L’absence de mise en place des personnages et
d’éclairage fait que l’on n’y voit rien, au propre comme au figuré. Puis arrive une 1ère scène de repas de famille chez les parents de Anne, l’héroïne, et enfin les enjeux et protagonistes
se mettent en place. Formellement, la mise en scène restera sous-éclairée et incertaine (la faute à un budget famélique ?), mais avec des conséquences beaucoup moins dérangeantes car le fond du
film est passionnant – presque – jusqu’au bout.

Est-ce que tous les films allemands sont aussi dépressifs et glauques, ou bien cela concerne-t-il juste ceux qui franchissent le Rhin pour arriver chez nous ? Car comme la plupart de ces
prédécesseurs, L’un contre l’autre ne respire pas la joie de vivre. En très (trop) court, l’histoire est celle d’une femme qui bat son mari. Cependant, cela n’est pas la cause du
récit mais une conséquence exceptionnelle, fictionnelle, d’un tableau d’ensemble familial et professionnel. Cet arrière-plan est dressé à petits coups de pinceau plutôt qu’à traits grossiers par
le réalisateur Jan Bonny : dialogues minutieusement écrits où chaque mot compte, jeux de regards, expressions corporelles, le tout sur fond de décors étriqués et inévitablement étouffants, qu’il
s’agisse de l’appartement du couple formé par Anne et George ou de leurs lieux de travail.

Anne et George sont pris au piège entre de multiples feux qui créent un terreau favorable à des dissensions permanentes. La modestie de leurs revenus – malgré des emplois corrects : prof et
flic – et le souci d’offrir les meilleures chances à leurs enfants rendent obligatoire une dépendance financière envers le père de Anne, qui ne se prive pas pour accompagner ses chèques de
remarques acerbes sur la « réussite » de sa fille. Cette dernière doit aussi composer avec la complicité plus marquée de ses enfants avec leur père, ainsi qu’avec la bonté presque
surnaturelle de ce dernier. Anne et George forment du coup un remarquable couple de cinéma, dont les caractéristiques exacerbées alimentent la fiction. Lui est quasiment décrit comme un ange,
toujours prêt à aider son prochain sans rien attendre en retour. Elle est bloquée dans un rapport Bergmanien (c’est un gros compliment) d’amour-haine envers son père, chez qui elle cherche un
impossible respect tout en souhaitant retrouver sa dureté chez son mari – Anne le dit explicitement à George à un moment, qu’elle le tape car lui ne veut pas la taper. Il faut signaler
l’exceptionnelle performance d’actrice de Victoria Trautmansdorff, tour à tour gamine, femme au sommet de sa séduction, et monstre aux coups désarticulés et irréfléchis. Trautmansdorff rend
chaque facette crédible, et les transitions de l’une à l’autre étonnantes car évidentes.

Une 1ère fin semble laisser les personnages surmonter leurs démons et sortir par le haut de ce qui semble alors n’avoir été qu’un cauchemar éveillé. Cela aurait été une belle fin, sensible mais
pas larmoyante, nourrie d’espoir mais sans tricherie. Mais il doit être écrit quelque part que les films allemands doivent se finir mal, car une ultime évolution du scénario replonge Anne et
George dans leur enfer conjugal – en pire. Comme ce retournement final est la conséquence de différents éléments intégrés artificiellement au récit, on a du mal à ne pas trouver ça factice et
inutilement cruel.

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