• L’heure d’été, d’Olivier Assayas (France, 2008)

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Où ?

 

A l’UGC Opéra, dans la grande salle.

 

Quand ?

 

Jeudi soir, à la séance de 22h

 


Avec qui ?

Ma femme, et une malheureuse dizaine de personnes. Vendu de manière malhabile et indécise, le film trouvera-t-il son public ?

 


Et alors ?

 

Cinéaste décalé par rapport au modèle français car multiculturel (le cinéma chinois, le rock lui ont ouvert d’autres horizons), Olivier Assayas est depuis le début du 21è siècle notre meilleur
« explorateur » des nouveaux horizons ouverts par la mondialisation et la dématérialisation des échanges de toute sorte. Après un grand film magistral, démesuré et fondateur sur le
sujet (Demonlover), un traitement intimiste (Clean) et une œuvre quasi-expérimentale (Boarding gate), L’heure d’été le voit aborder
le sujet de manière oblique, aussi subliminale que celle qu’ont les noms de marques réelles de venir parasiter l’espace du film. La réponse apportée à la question centrale du récit – comment
s’acquitter d’un héritage, ici une collection d’art, qui peut être aussi enrichissant que lourd à porter ? – par les différents personnages est en effet déterminée de façon mécanique,
antérieure aux faits, par leurs choix de positionnement au sein de cette société libérale et mondiale.

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Film à thèse discret (c’est-à-dire suffisamment bien mis en scène pour que la thèse n’étouffe pas le film), L’heure d’été pose la question de 2 rapports : au temps,
et à l’argent. Tout ce qui oppose Frédéric (Charles Berling), l’aîné de la famille, à ses cadets Adrienne (Juliette Binoche) et Jérémie (Jérémie Rénier) peut y être ramené. Ayant fait leurs la
notion de village global et ses racines matérialistes, Adrienne et Jérémie vivent à l’autre bout du globe – New York pour elle, Pékin pour lui – où ils pratiquent des métiers en apparence opposés
(créatrice de mobilier, directeur commercial dans une multinationale délocalisée) mais qu’Assayas fait astucieusement se rejoindre dans les faits : même réduction des objets à leur valeur
physique et marchande, même individualisme, même ancrage total dans l’instant présent. Face à eux, l’économiste Frédéric, marchant dans les pas de leur mère Hélène (Édith Scob, dont la présence
imprime le film longtemps après sa mort), réfléchit aux choses dans leurs implications intimes – les souvenirs du passé, la transmission aux enfants – et globales. Une scène courte mais
exemplaire le voit ainsi défendre à la radio un livre qu’il a écrit sur l’inconséquence du capitalisme et son échec, patent selon lui si l’on prend du recul par rapport aux choses.

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Assayas confronte donc ces personnages emblématiques de la marche de notre monde ; mais sans oublier d’en faire des personnages. Son sens aigu du dialogue qui fait mouche, de la description
concrète des métiers et des vies de chacun lui permet d’éviter cet écueil, de même que son casting. L’habitué Charles Berling sert de point d’accroche stable et efficace, permettant à Assayas
d’oser sortir de leur cadre habituel Juliette Binoche (rajeunie, libérée, rayonnante) et Jérémie Rénier (charismatique, sûr de lui, presque arrogant). L’autre belle réussite du film est son refus
du drame familial hystérique, tare à laquelle un tel sujet se prête. Tout se règle de manière feutrée, sans clash. Cette manière de faire infiltre le film lui-même, nimbé d’une magnifique lumière
sereine signée Éric Gautier (qui a récemment éclairé Into the
wild
) : Assayas ne donne l’ascendant à aucun personnage, et si Frédéric est le personnage central alors qu’Adrienne et Jérémie ne font que des apparitions éclair et
« efficaces », ce n’est pas pour rabaisser ces derniers mais car c’est leur manière à eux d’habiter leur vie, leur histoire, le film.

 

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J’aimerai m’arrêter là, et m’en tenir à un avis globalement (très) positif. Mais
voilà, le dernier acte du film, une fois un compromis à la Salomon trouvé (les œuvres d’art et la maison sont éparpillées selon leur valeur marchande, sauf certaines pièces données au Musée
d’Orsay), est très loin de tenir la comparaison au niveau de son écriture. Pour évoquer la transmission douloureuse de l’art hors de la sphère privée, Assayas choisit des exemples maladroits,
limite égoïstes, qui viennent affaiblir sensiblement le message du film, son regard nuancé. Puis, il clôt son récit sur la génération suivante – les enfants adolescents de Frédéric – dans un
auto-remake de L’eau froide sans conviction ni consistance, déconnecté du reste. A trop vouloir conclure sous la forme d’un récit abouti, graduel, il en a oublié qu’il
filmait jusque là un portrait, une esquisse forcément incomplète d’une famille et d’une époque.

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