• L’avocat de la terreur, de Barbet Schroeder (France, 2007)

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Où ?
Au cinéma UGC ciné-cité Les Halles 

Quand ?
Lundi soir, 20h 

Avec qui ?
Ma chérie, un copain et 500 autres spectateurs dans une salle pleine (et globalement captivée) pour une avant-première présentée par le cinéaste 

Et alors… ?

L’avocat de la terreur n’est pas un documentaire, c’est un duel. À fleurets mouchetés, mais en portant réellement leurs coups, s’affrontent sous nos yeux pendant 2 heures Barbet Schroeder, cinéaste chevronné à qui l’on a commandé un portrait (et qui doit donc filmer du réel), et Jacques Vergès, avocat spécialisé dans les causes les plus indéfendables et scandaleuses et qui a bâti sa notoriété sur son talent à créer son personnage et à le mettre en scène. La gageure à laquelle est confronté le réalisateur officiel du film est donc de parvenir à ne pas se faire voler sa place par le réalisateur officieux prêt à bondir qu’il a face à lui. 

Prévoyant, Schroeder s’assure deux coups d’avance, sous la forme d’un carton précisant que le film présente un avis subjectif puis d’un pré-générique exposant au grand jour l’amitié qui lie Vergès aux ex-Khmers Rouges. Il n’ira jamais plus loin dans la provocation directe, bien conscient que son sujet-adversaire est encore plus à l’aise face à la diabolisation que face à la flatterie. Plutôt que de l’agresser frontalement, Schroeder va plutôt laisser Vergès envoyer ses piques verbales terriblement efficaces (on rit presque malgré soi à ses bons mots et autres raisonnements faussement naïfs) dans le vide… et le contourner en allant filmer d’autres témoins et documents.


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De la guerre d’Algérie à l’organisation terroriste de Carlos en passant par les liens avec les organisations terroristes palestiniennes et le procès Barbie, la somme d’archives et de rencontres accumulée par le réalisateur est impressionnante – en quantité mais surtout en qualité. Les vieilles coupures de journaux, les citations d’émissions télé et les déclarations d’anciens terroristes traqués aux quatre coins du globe sont toujours suffisamment précises pour venir contredire les enjolivements et mensonges de l’avocat. À mesure que le film avance, la parole de ce dernier est de plus en plus noyée dans le flot d’informations orchestré par le montage au pas de charge du film, et finit par devenir quasiment inaudible. Sans sa principale arme de nuisance, Vergès n’est même plus le personnage central et inamovible du récit de sa vie, mais un simple passe-plat d’un événement historique au suivant.

Grâce à son exigence de neutralité à l’écoute de tous les points de vue (déjà à l’œuvre dans ses fictions hollywoodiennes sous-estimées telles que Le mystère Von Bulow ou Before and after), Schroeder transforme en effet L’avocat de la terreur en une vertigineuse chronologie des luttes armées de la seconde moitié du XXè siècle et de leur déliquescence idéologique graduelle. N’ayant aucun parti pris à défendre, il ne censure aucune source d’information, accolant par exemple des scènes du film polémique La bataille d’Alger et des unes de journaux français de l’époque, des témoignages de poseurs de bombes repentis et d’agents des services secrets français. Il traque ainsi les contradictions et les points de vue inconciliables, et signe un état des lieux dévastateur, qui frôle par moments le trop-plein d’informations mais ne s’écarte jamais de sa ligne exigeante et haletante. Et Vergès dans tout ça ? Schroeder le laisse à ses démons et aux pactes faustiens qui semblent le lier à des ex-nazis et autres tueurs psychopathes. La victoire du cinéaste est totale.

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