• L’autre monde, de Gilles Marchand (France, 2010)

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autre-3Où ?

Au MK2 Quai de Seine

Quand ?

Mercredi soir, à 20h

Avec qui ?

Seul

Et alors ?

 

L’autre monde est un gâchis. Il possédait en effet les atouts qui auraient pu lui permettre de faire fructifier son pitch prometteur – une histoire de liaison dangereuse
à cheval entre une réalité solaire (l’été au bord de la Méditerranée) et un monde virtuel aussi sombre que son nom, Black Hole. On pense même pendant un temps que le film fait le plus
dur, en se montrant à l’aise sur les sujets casse-gueule de la technologie informatique et des jeux en réseau. Le vocabulaire, les concepts et les matériels utilisés sonnent juste, ce qui n’est
pas si souvent le cas (souvenons-nous de l’épique recherche « complot CIA » sur Google du héros de The ghost writer). Ce premier
écueil évité, L’autre monde déroule dans sa première moitié un scénario séduisant, dont le canevas rappelle les films noirs de la grande époque. Un personnage sans
histoire voit sa vie bousculée par un événement fortuit (ici la découverte d’un téléphone portable) qui, de fil en aiguille, l’amène à la croisée des chemins : d’un côté, rester dans la
banalité tranquille d’une existence faite de fréquentations normales (les copains du lycée), d’activités normales (lézarder à la piscine, repeindre l’entrée de l’appartement), d’une petite amie
normale ; de l’autre, plonger tout entier dans le danger et l’excitation d’un parcours à la marge autrement plus intense, dans le sillage d’une bande de criminels et de l’inévitable femme
fatale.

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La scène inaugurale de filature exprime bien ce processus de naissance d’une intrigue trouble à partir de presque rien, forcément alléchant. A cette promesse faite au spectateur d’un plaisir
classique mais toujours bienvenu (un bon film noir, ça ne se refuse jamais), L’autre monde semble ajouter celle de s’engager à raconter, en filigrane, une histoire
d’éducation sentimentale et sensuelle perverse. Le jeune âge et l’ingénuité du héros Gaspard, choses sur lesquelles le film insiste régulièrement, le placent en effet dans un état d’infériorité
et de vulnérabilité vis-à-vis de ceux qu’il poursuit, la belle Audrey et son dealer violent de frère Vincent. Gaspard s’instruit et mûrit à leur contact, mais dans la mauvaise voie. La séquence
de séduction entre Audrey et lui dans Black Hole ajoute un double fond à cette évolution : Gaspard pense y renverser le rapport de forces en étant le manipulateur, mais ses
techniques et ses buts ne font que copier les pratiques de ses adversaires/mentors.

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La déception est grande quand L’autre monde bazarde toutes ces promesses et bifurque vers des récits médiocres et incongrus. Incongrue, la transformation de l’histoire
d’éducation en une midlife crisis en carton calquée sur Liaison fatale. Médiocre, le mouvement de contraction plutôt que de dilatation de la partie film noir –
là où il faudrait nourrir sans cesse l’enquête par de nouvelles rencontres, de nouvelles révélations, de nouvelles péripéties, L’autre monde s’éteint à petit feu dans
son surplace sur sa situation initiale. Tout manque d’envergure, dans la réalité où les caractères et les rapports entre personnages restent à l’état d’ébauche et surtout dans Black
Hole
, vite réduit à une plage et à un club plus ou moins S-M, lui-même réduit à une poignée de corps virtuels nus passant furtivement dans le fond de l’image. Le message de l’ensemble, qui
fantasme Internet comme rien de plus que le lieu où peuvent s’épanouir les pulsions mortifères de l’être humain, est bien évidemment sans intérêt. Pour un film noir mettant en scène des
adolescents réussi, mieux vaut voir Brick ; et pour un récit proposant une vision juste et féconde des univers virtuels, mieux vaut voir Summer wars.

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