• Kurosawa à la Cinémathèque (1/2) : Chien enragé (Japon, 1949)

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enrage-1Où ?

A la cinémathèque, dans le cadre de la rétrospective intégrale de l’œuvre du cinéaste (qui dure jusqu’au 1er août)

Quand ?

Jeudi soir, à 19h

Avec qui ?

Seul

Et alors ?

 

Chien enragé est un film d’étude, quand bien même il arrive après déjà une demi-douzaine de longs-métrages, dont des perles comme La légende du grand
judo
et L’ange ivre, et juste avant le premier chef d’œuvre incontestable et renommé mondialement d’Akira Kurosawa, Rashomon.
Chien enragé ressemble à un film sur lequel on se fait la main pour bien s’approprier un genre précis, ici le film noir. Les formules élaborées à Hollywood et
transposées au Japon par le cinéaste sont pendant une grande partie du film appliquées avec soin mais sans risque, avec constance mais sans folie. Certains tableaux du Japon populaire et/ou
malfamé qui jalonnent le récit-enquête sont même pris dans une langueur que rien ne justifie réellement. Kurosawa s’attarde ainsi longuement sur des montages de vie quotidienne (l’errance du
héros quand il se fait passer pour un clochard, la surveillance d’un suspect dans les gradins durant un match de base-ball), ce qui repousse à la fin des trois premiers quarts d’heure la
révélation du fil directeur principal de l’intrigue ; à savoir la traque du malfrat qui a en sa possession le flingue perdu par un flic en ouverture du film. Même après ce tournant, l’idée
de maintenir le méchant hors d’atteinte des policiers qui le poursuivent, et donc hors d’atteinte du film, empêche Chien enragé de provoquer un véritable frisson –
phénomène comparable à celui observé dans L’homme sauvage, autre film vu récemment à la
cinémathèque.

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La dernière demi-heure fait voler en éclats ces réserves, lorsque – il n’y a pas de hasard – les enquêteurs se rapprochent de leur cible. Deux dispositifs d’inspiration hitchcockienne placés bout
à bout engendrent alors deux brillantes scènes de suspense. Tout d’abord une mise en communication par téléphone retardée, qui permet au méchant de s’enfuir avant que sa position n’ait été
transmise ; puis la recherche mentale des indices qui permettraient d’identifier ce dernier au milieu d’une salle d’attente pleine, tandis que la caméra scrute par de lents panoramiques toutes
les personnes présentes. Une fois le duel enclenché, c’est son déplacement sur un plan moral qui paye. Le héros et le voleur sont deux faces d’une même pièce, deux destins pareillement possibles
à partir d’une même situation : celle d’un jeune soldat ayant fait la Seconde Guerre Mondiale et qui une fois démobilisé doit choisir quelle attitude adopter, par rapport à la présence du
Mal dans le monde et aux horreurs qu’il a vues sur le front comme preuves de cette présence. Le héros policier a choisi de consacrer sa vie à combattre ce mal, le voleur n’a pas eu la même force
et a préféré s’abandonner au mal. Par sa mise en scène du climax qui les réunit et les oppose, Kurosawa fait passer tout ce qui rapproche les deux jeunes, les rend au fond identiques.
Seuls leurs choix, volontaires ou forcés, les ont mis face à face plutôt que côte à côte. Alors Chien enragé dépasse l’exercice de style pour dévoiler un discernement
moral considérable.

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