• Kill the referee, de Yves Hinant & Eric Cardot (Belgique, 2008)

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Où ?

Sur Canal+ Sport

 

Quand ?

Dimanche midi, par hasard (je pensais plutôt attraper la diffusion de lundi prochain)

 

Avec qui ?

Seul

 

Et alors ?

 

Je précise pour commencer que le titre officiel français de ce documentaire est le propre sur soi Les arbitres, imposé par… le sponsor pour le football de cette profession dans notre
pays, la Poste. Donc merci la Poste, et surtout à sa direction de la communication, pour ce bel exemple de novlangue rabougrie, anesthésiante et par-dessus le marché mensongère. Mensongère, car
Kill the referee, réalisé par deux ex de l’émission Strip-tease, est tout sauf rabougrie et anesthésiante. La première séquence donne le ton, en faisant vivre au
spectateur une expérience audiovisuelle inédite. Il s’agit de suivre des extraits d’un match de foot via des images de télévision, mais dissociées de la surcharge sonore habituelle (commentaires
à deux voire trois voix, bruits d’ambiance du stade) à la place de laquelle est utilisée une piste audio unique : les échanges par micro entre l’arbitre et ses assistants.

 

Le résultat est déstabilisant, dans le bon sens. Il transforme une expérience reconnue comme organique – on vit le match « avec ses tripes », au gré des cris et chants des supporters,
en laissant la réflexion à la charge des commentateurs – en quelque chose de purement cérébral. On est dans la tête de l’arbitre, déconnecté du monde extérieur et bousculé par les échanges
d’exhortations et de signalements (de fautes, de hors-jeu) qui s’y amoncellent en un flot continu. Répétées à plusieurs reprises au cours du film, ces immersions ne durent jamais plus d’une
poignée de minutes ; ce qui est déjà exténuant, et plus que suffisant pour se rendre compte une bonne fois pour toutes de la part de surhumain dans ce qu’il est demandé à un trio d’arbitres
d’accomplir.

 

Et cette part s’agrandit d’année en année. Kill the referee se déroule durant l’Euro 2008, sans thèse préétablie et avec pour seule ligne directrice de s’adapter aux histoires que
les deux réalisateurs allaient rencontrer en chemin. L’une des deux histoires retenues est autant une bénédiction pour un documentariste qu’un cauchemar pour l’arbitre qui la vit : les
menaces de mort qui ont été envoyées à l’arbitre anglais Howard Webb suite au match Autriche-Pologne. Webb a bien commis une erreur au cours de cette partie, en faveur de la Pologne – un but
accordé alors qu’il y avait un hors-jeu de position –, mais ce sont tout de même les supporters… polonais qui se sont déchaînés contre lui à cause d’un penalty accordé à raison à l’Autriche en
toute fin de match, et qui a permis à ce pays d’égaliser à 1-1. Cette ironie aiguë est la cerise sur le gâteau d’un fait divers qui dépasse son protagoniste principal de tous côtés – en quelques
instants, avec les ralentis télévisuels, les spectateurs partout dans le monde peuvent se faire leur propre idée et rendre un jugement pseudo-définitif, ce qui oblige tout le monde jusqu’aux
instances dirigeantes à se positionner sur l’affaire plutôt que de parier sur l’oubli et l’apaisement.

 

Le grand écart entre l’ingratitude des conditions de travail des arbitres (vestiaires étriqués, l’anonymat en dehors du terrain et la solitude dessus), l’absence totale de considération de la
part des autres acteurs du jeu (une autre séquence montrant des vociférations sans limites de la part d’entraîneurs) et ces répercussions disproportionnées de certaines de leurs décisions est
remarquablement rendu par les choix de mise en scène et de montage de Hinant et Cardot. L’autre « intrigue » suivie par ces derniers est plus anecdotique mais tout de même surprenante
et digne d’intérêt ; on y voit le duel par équipe nationale interposée entre l’espagnol Manuel Mejuto Gonzalez et l’italien Roberto Rosetti pour être celui qui aura le droit d’arbitrer une
finale de grand championnat. En repoussant deux des tris au but italiens en 1/4 de finale, le gardien espagnol Iker Casillas élimine en effet par la même occasion son compatriote de la course à
ce Graal de la profession. Au-delà des scènes décalées qu’un tel enjeu permet de capter (le trio italien tout sourire au lendemain de l’élimination de leur équipe nationale), Kill the
referee
y gagne un récit qui, en ne montrant pas les arbitres comme une corporation homogène et anonyme mais comme une somme d’individus singuliers et parfois rivaux, leur donne plus de
considération, plus d’intérêt – au sens où l’on s’intéresse à eux, et non plus seulement à leurs actions.

 

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