• Je n’irai pas voir Alice…

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…mais ça ne m’empêche pas d’en parler. La bande-annonce m’a particulièrement refroidi, avec sa révélation d’un scénario-décalque du Monde de Narnia et autres clones se repaissant
du désir d’aventures et de reconnaissance des adolescents. Aussi impressionnant visuellement qu’il puisse être, je me refuse à aller voir un film qui se prétend imaginaire et fantastique mais
borne l’existence de cet autre monde à ses deux extrémités, par des clauses d’un pragmatisme désolant et desséchant, si l’on en croit les bouts de synopsis grappillés ici et là. Alice entre
dans Wonderland pour un motif (elle s’enfuit de la cérémonie de son mariage), et en ressortira comme une récompense (pour l’avoir débarrassé de ses mauvais pensionnaires). Rappelons à toutes fins
utiles que dans l’œuvre de Lewis Carroll, comme dans tout bon conte de fées, le point de passage entre l’ici et l’ailleurs s’ouvre sans raison ni but. [Et quant à la recrudescence de cette manie
du cinéma hollywoodien hégémonique à rendre inférieurs à nous des peuples merveilleux, bigarrés, étrangers en leur imposant comme « Élu » un des nôtres sans don particulier, elle
commence à devenir encombrante – cf. Avatar].

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Cette Alice a tout l’air d’être la dernière étape en date de la dégringolade de Tim Burton dans la disgrâce – dégringolade qui a symboliquement commencé lorsqu’il a transigé pour la première fois
avec l’ennemi en commettant La planète des singes, blockbuster en tous points écœurant. Avant La planète des singes, Burton faisait des films uniques,
personnels, provocants : Edward aux mains d’argent, Ed Wood, Mars attacks ! Il se permettait même de pirater des licences, comme avec
Batman returns. Après La planète des singes, le cinéaste n’a plus fait que des films sans risque, reproduisant sur commande (et sur des scénarios eux-mêmes adaptés
et non plus originaux) l’image réductrice que le grand public a retenu de lui : Sleepy Hollow, Charlie et la chocolaterie, Sweeney Todd et maintenant Alice au pays des
merveilles
. Autant de coquilles vides fabriquées à la chaîne (dont certaines ont simplement le mérite d’être moins décevantes car leur matériau de départ est plus mineur,
unidimensionnel : Charlie…), désamorcées au préalable de toute éventualité de transgression par l’évidence de l’association entre elles et le réalisateur. Il n’y a pas là
explicitement de franchise avec des numéros d’épisode, mais c’est tout comme : coupler les noms de Burton et d’Alice au pays des merveilles est aussi trivial qu’un ticket Bruce
Willis – Die Hard 4. Dans les deux cas, il
s’agit de trouver un nom à écrire sur l’emballage pour mieux vendre le produit au public. Tim Burton n’est maintenant plus que le simulacre de lui-même, son clone inoffensif. Chose que Big
fish
prophétisait, en fait, en démystifiant avec une insistance lourdingue tous les secrets et tours de magie d’un alter ego affabulateur, rêveur et farouchement indépendant.

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